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succéder à la couronne, mais avec de tels ménagements de rangs et contre les termes exprès de l’arrêt qu’il venoit de rendre, que cette faiblesse avoit encouragé M. et Mme du Maine à entreprendre ce qui les retenoit maintenant en prison, dans la rage de n’avoir pas été maintenus ou soufferts dans l’habilité de succéder à la couronne, et dans le mépris de tout ce qui leur étoit conservé, compté par eux pour rien, sinon pour une faiblesse sur laquelle ils pouvoient compter, quelque chose qu’ils osassent entreprendre.

Après ce tableau ramassé et raccourci, je représentai à M. le duc d’Orléans qu’au moins pouvoit-il maintenant mettre deux aussi lourdes fautes à profit et les faire bien payer à ces deux premiers crimes à l’appui du troisième qui en étoit la suite et le fruit : reprendre le premier, en montrer l’énormité, le danger extrême de l’exemple dans un royaume très chrétien et l’unique qui suive la loi salique comme loi fondamentale pour la succession à la couronne depuis tant de siècles, l’exposer au sort de la Russie, à l’ambition de quiconque auroit la force des établissements en main et qui posséderoit un roi ; faire sentir que de se faire prince du sang et habile à succéder à la couronne, après tous les princes du sang, comme fils de roi, de le transmettre à sa postérité, à se faire préférer aux princes du sang, comme bien plus proches qu’eux, par la qualité de fils du roi, il n’y avoit guère de distance, avec la force en main, et à quiconque obtient ce droit, une violente tentation de se faire place nette et s’abréger le chemin du trône ; dire que le respect pour la mémoire du roi et la considération d’une alliance, quoiqu’elle n’eût jamais dû être, l’estime de la probité du comte de Toulouse, qui n’avoit eu ni voulu avoir aucune part aux démarches de son frère pour s’élever aussi monstrueusement, avoit arrêté Son Altesse Royale sur la justice qu’il devoit aux princes du sang, à la nation entière, à soi-même, d’une entreprise si criminelle, qui n'alloit à rien moins qu’à déshonorer la mémoire du feu