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m’avoit ordonné de lui tout dire, tant ce qui s’étoit passé au conseil qu’au lit de justice. Je le fis donc à commencer dès le matin. Au bout d’un quart d’heure Madame s’assit, mais avec la plus grande politesse. Je fus près d’une heure avec elle à toujours parler et quelquefois à répondre à quelques questions, elle ravie de l’humiliation du parlement et de celle des bâtards, et que M. son fils eût enfin montré de la fermeté.

La maréchale de Rochefort fit demander à entrer ; et après des excuses de Mme la duchesse d’Orléans à Madame, elle lui demanda permission de m’emmener, parce que Son Altesse Royale me vouloit parler. Madame m’y envoya sur-le-champ, mais en me priant bien fort de revenir chez elle dès que j’aurois fait avec Mme la duchesse d’Orléans. Je descendis donc avec la maréchale. En entrant dans l’appartement de Son Altesse royale, ses femmes et tous ses gens m’environnèrent pour que je l’empêchasse d’aller à Montmartre, où elle venoit de dire qu’elle s’en alloit. Je les assurai que mon message étoit bien assez fâcheux sans que j’y ajoutasse de moi-même ; que Son Altesse Royale n’étoit point dans un état à la contraindre ni à la contredire ; que j’avois bien prévu qu’elle voudroit aller à Montmartre, et pris mes précautions là-dessus ; que M. le duc d’Orléans trouvoit bon cela et toute autre chose qui seroit au soulagement et à la consolation de Son Altesse Royale, et qu’ainsi je n’en dirois pas une parole.

J’avançai, toujours importuné là-dessus, et je trouvai Mme la duchesse d’Orléans sur le même canapé où je l’avois laissée, une écritoire sur ses genoux et la plume à la main. Dès qu’elle me vit, elle me dit qu’elle s’en alloit à Montmartre, puisque je l’avois assurée que M. le duc d’Orléans le trouvoit bon ; qu’elle lui écrivoit pour lui en demander pourtant la permission, et me lut sa lettre, commencée de six ou sept lignes de grande écriture sur de petit papier ; puis, me regardant avec un air de douceur et d’amitié : «