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sur l’incompétence et le défaut de pouvoir d’un régent. Enfin vous voyez ce qu’il vient de brasser, et par tant d’expériences anciennes et nouvelles ce que vous devez attendre de lui, si vous le laissez en état de continuer (1);

Ces propos, que je renouvelois de temps en temps, jetoient M. le duc d’Orléans dans un trouble extrême. Il sentoit tout le poids de mes raisons ; mais il étoit enchaîné par les prestiges de l’abbé Dubois. Tantôt il s’excusoit sur le défaut de preuves, et je lui remettois ce qu’il en avoit dit à M. le Duc et à moi, que M. et Mme du Maine étoient des plus avant dans la conspiration, comme je l’ai rapporté en son temps. Une autre fois, il alléguoit le danger d’entreprendre un homme si grandement établi, et je lui démontrois qu’après le grand pas de l’avoir fait arrêter lui et Mme du Maine, et confinés en deux prisons éloignées, le danger du retour seroit bien plus grand, mortellement offensés qu’ils seroient, et que de plus ils se le devoient montrer comme innocents. Enfin retranché sur l’embarras de leurs enfants, aussi grandement établis que le père, dont ils avoient les survivances, et le gouvernement de Guyenne de plus, qui sûrement ne trempoient point dans le complot du père, et que par conséquent on ne pouvoit dépouiller ; je lui demandai où il avoit vu ou lu qu’on eût jamais laissé aux fils des criminels d’État, convaincus et punis comme tels, des établissements dont ils pussent abuser ; qu’il prît garde qu’une telle condamnation emportoit confiscation des biens patrimoniaux, quoique les enfants ne fussent pas coupables, à plus forte raison l’extinction des titres, honneurs, etc., et la privation des gouvernements et des charges dans le père, et des survivances dans ses fils, lesquels, bien que non coupables,


1. Si l’on en croit les Mémoires du marquis d’Argenson (éd. 1825, p. 178), Saint-Simon aurait pressé le duc d’Orléans de mettre en jugement le duc du Maine : «Que prétendait M. de Saint-Simon ? Il voulait que l’on fît le procès à M. le duc du Maine ; que l’on fit tomber sa tête et que l’on donnât à lui, Saint-Simon, la grande maîtrise de l’artillerie. »