Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le vôtre alors à vous-même, la fureur et les larmes publiques de Madame d’un mariage si étrangement disproportionné ? Avez-vous oublié que l’intérêt de ce beau-frère vous a éloigné du commandement des armées, dont Monsieur mourut de colère et de dépit après la prise qu’il en avoit eue avec le roi le jour même ? Avez-vous oublié jusqu’à quel point il intéressa Mme de Maintenon à votre perte, lors de votre affaire d’Espagne, malgré tous les efforts de Mme la duchesse de Bourgogne auprès d’elle en votre faveur et de combien près vous frisâtes les derniers malheurs ? Avez-vous oublié les horreurs dont ce cher beau-frère vous affubla à la mort de Mgr le Dauphin et de Mme la Dauphine, du petit prince leur fils, et de M. le duc de Berry ensuite ; qu’il en persuada le roi par Mme de Maintenon, et qu’ils l’ont toujours été, la cour, Paris, les provinces, les pays étrangers ; l’art et le soin de répandre cette opinion jusqu’à en rendre le doute ridicule, et le soin vigilant de la renouveler de temps en temps et de lui donner une couleur nouvelle ? Enfin avez-vous oublié le testament et le codicille du roi, la dispute si forte de M. du Maine en plein parlement contre vous, et si impudemment soutenue en faveur du codicille, et ce que vous seriez devenu, si l’une de ces deux pièces que personne n’ignore que le roi fit malgré lui, avoit subsisté, bien pis si toutes deux avoient été exécutées ? Tous ces crimes à votre égard sont antérieurs à votre régence, sans que vous ayez jamais donné le moindre ombrage à M. du Maine, que celui qu’il a voulu prendre de votre naissance et de votre droit. Vous avez cru par la conduite que vous avez si longtemps soutenue et tant que vous l’avez pu à son égard, aux dépens des princes du sang et de toute justice, regagner ce bâtard brûlant de la soif de régner. Il vous en a payé dans le temps même qu’il jouissoit de votre plus grand déni de justice par la requête au parlement de cette prétendue noblesse, et par son appel aux états généraux ou au roi majeur, avec la criminelle audace de vous attaquer vous-même