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de monde qui étoit dans sa chambre, à qui je ne m’ouvris de rien, tandis qu’on l’avertissoit dans son cabinet, où elle écrivoit, comme elle faisoit presque toujours, et me fit entrer dans l’instant. Elle se leva dès que je parus, et me dit avec empressement : « Hé bien ! monsieur, voilà bien des nouvelles ! » En même temps ses dames sortirent, et je demeurai seul avec elle. Je lui fis mes excuses de n’être pas venu d’abord chez elle comme le devoir le vouloit, sur ce que M. le duc d’Orléans m’avoit assuré qu’elle trouveroit bon que je commençasse par Mme la duchesse d’Orléans. Elle le trouva très bon en effet, puis me demanda les nouvelles avec grand empressement. Ma surprise fut extrême lorsque je connus enfin qu’elle n’en savoit nulle autre que le lit de justice et chose aucune de ce qui s’y étoit passé. Je lui dis donc l’éducation du roi donnée à M. le Duc, la réduction des bâtards au rang de leurs pairies, et le rétablissement du comte de Toulouse. La joie se peignit sur son visage. Elle me répondit avec un grand enfin redoublé qu’il y avoit longtemps que son fils auroit dû l’avoir fait, mais qu’il étoit trop bon. Je la fis souvenir qu’elle étoit debout ; mais par politesse elle y voulut rester. Elle me dit que c’étoit où la folie de Mme du Maine avoit conduit son mari, me parla du procès des princes du sang contre les bâtards, et me conta l’extravagance de Mme du Maine, qui, après l’arrêt intervenu entre eux, avoit dit en face à M. le duc d’Orléans, en lui montrant ses deux fils, qu’elle les élevoit dans le souvenir et dans le désir de venger le tort qu’il leur avoit fait.

Après quelques propos de part et d’autre sur la haine, le discours, les mauvais offices et pis encore du duc et de Mme la duchesse du Maine contre M. le duc d’Orléans, Madame me pria de lui conter de fil en aiguille (ce fut son terme) le détail de cette célèbre matinée. Je la fis encore inutilement souvenir qu’elle étoit debout et lui représentai que ce qu’elle désiroit apprendre seroit long à raconter ; mais son ardeur de le savoir étoit extrême. M. le duc d’Orléans