Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/154

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Il avoit beaucoup d’esprit, il avoit aussi de la lecture et des lettres, et faisoit des vers. Il avoit encore plus d’effronterie, d’opinion de soi et de mépris des autres. Il se piquoit de tout savoir, prose, poésie, philosophie, histoire, même galanterie ; ce qui lui procura force ridicules aventures et brocards. Ce qu’il sut le mieux, fut de tacher de faire fortune, pour quoi tous moyens lui furent bons. Il fut le savant des uns, le confident et le commode des autres, et de plus d’une façon, et ne se cachoit pas de la détestable ; le rapporteur quand on le voulut et que cela lui parut utile. Il s’attacha à Canillac, à Nocé, aux ducs de Brancas, puis de Noailles, surtout à l’abbé Dubois, dont il alloit disant pis que pendre, pour faire parler les gens et le lui aller redire ; enfin à Stairs, dont il devint le panégyriste et l’homme à tout faire. Sa souplesse, l’ornement de son esprit, son aisance à parler et à frapper, sa facilité à adopter le goût de chacun, une sorte d’agrément qu’on trouvoit dans sa singularité, le mirent quelque temps fort à la mode, dont il sut tirer un grand parti pécuniaire. Il en avoit espéré d’autres qui s’évanouirent avec son cardinal Dubois. Tel qu’il étoit, il ne laissa pas de trouver et de conserver des entrées et de la familiarité dans plusieurs maisons distinguées. Il a fini par épouser une fille du joaillier Rondé, en quoi il n’y a eu ni disparité ni mésalliance, et par donner souvent des soupers à bonne et honorable compagnie. Il avoit eu la charge de Magny. Il ne la garda pas longtemps, voyant ses espérances trompées et qu’elle ne le menoit à rien. Mimeur mourut officier général, dont je crois avoir parlé ailleurs. Il étoit fils d’un président du parlement de Dijon. Je ne sais par quelle protection il avoit été attaché à Monseigneur dès sa jeunesse, chez qui il avoit les entrées ; mais il n’alla jamais dans aucun lieu où on mangeât avec lui. Son esprit souvent plaisant sans songer à l’être, et l’ornement de son esprit joint ’à beaucoup de modestie et de savoir-vivre, l’avoit mêlé avec le grand monde et fait désirer dans les