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autre cour [pour] les grands et immédiats feudataires de la couronne, qui reçoit les hommages qu’ils doivent au roi de leurs fiefs, ou le seul chancelier au choix des feudataires, mais dont les hommages sont enregistrés dans cette autre cour, qui est la chambre des comptes, laquelle aussi examine privativement au parlement et à toutes autres cours les comptes des comptables du roi, les punit ou les approuve. Mais M. du Maine et le premier président n’avoient garde de manquer une si belle occasion de flatter le parlement, de tâcher de l’engager avec eux, et d’éblouir le monde ignorant de ce vain nom en telle matière ; et Cellamare, qui regardoit M. et Mme du Maine comme les chefs et l’âme du parti qu’il vouloit former, n’avoit garde aussi de s’éloigner en rien de ce qui leur convenoit et de ce qu’ils désiroient.

Le manifeste du roi d’Espagne adressé aux trois états de la France est de même espèce que la lettre aux parlements. On vient de voir, et on a vu plus haut, en plusieurs endroits, ce que c’est que les états généraux, et qu’ils n’ont dans l’État ni puissance ni autorité quelconque ; qu’ils ne peuvent s’assembler que par la volonté et la convocation du roi, ou, s’il est mineur, du régent, pour faire leurs cahiers de plaintes et de représentations, et répondre uniquement aux consultations, et non entamer rien au delà, quand il plaît au roi ou au régent, le roi étant mineur, de leur en faire, et qui les sépare, quand et comme il lui plaît. L’Espagne ne pouvoit donc ignorer ces choses fondamentales, ni se promettre plus qu’un vain bruit de l’adresse de ce manifeste ; mais que peut-on dire de l’adresse de ce manifeste aux états généraux, qui n’étoient ni assemblés ni même convoqués, et qui, par conséquent, n’étoient lors qu’un être de raison, puisque les états généraux n’ont d’existence que lorsqu’ils sont convoqués, et actuellement assemblés par et sous l’autorité du roi, ou, s’il est mineur, du régent ? C’étoit donc une adresse purement en l’air, qui ne portoit sur rien, et de laquelle il ne se pouvoit rien attendre, par consé-