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leurs charges et leur autorité que du roi, seul souverain dans son royaume, et ne peuvent prononcer d’arrêts qu’en son nom. L’Espagne sait aussi bien que la France que ces tribunaux ne sont compétents que des matières judiciaires, qu’ils ne le sont en aucune sorte de celles d’État ni de celles du gouvernement, et que toutes les fois qu’à la faveur des temps de besoins ou de troubles, ils ont essayé de s’en arroger quelque connoissance, les rois les ont promptement et souvent rudement repris et renfermés dans leurs bornes judiciaires. L’Espagne, ainsi que la France, étoit parfaitement au fait de ce que sont les enregistrements des édits, déclarations, ordonnances, règlements que font les rois et des traités de paix.

On ne prend point en Espagne non plus qu’en France le change que ces compagnies présentent si volontiers en jouant sur la chose et sur le mot, comme elles ont tâché de faire sur celui de parlement commun à l’ancien parlement de France, dont on vient de parler, et au parlement d’Angleterre, qui est l’assemblée qui en représente toute la nation avec un pouvoir législatif et de l’étendue que tout le monde sait. Les enregistrements des parlements sont connus en Espagne comme en France pour ce qu’ils valent intrinsèquement, c’est-à-dire comme n’ayant aucun trait à ajouter rien à l’autorité du roi, devant laquelle toute autre disparaît en France ; mais simplement ut notum sit, c’est-à-dire pour rendre publique et solennellement publique la teneur de la pièce qui s’enregistre, et pour faire une loi au parlement qui l’enregistre d’y conformer ses jugements. Que si les rois ont permis les remontrances aux parlements, chose dont

Louis XIV). Il dit à son fils:";Il fallait par mille raisons, même pour se préparer à la réformation de la justice qui en avait tant de besoin, diminuer l’autorité excessive des principales compagnies qui, sous prétexte que leurs jugements étaient sans appel, et, comme on parle, souverains et en dernier ressort, ayant pris peu à peu le nom de cours souveraines, se regardaient comme autant de souverainetés séparées et indépendantes. Je fis connaître que je ne souffrirois plus leurs entreprises."