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Toulouse, etc., si modernement, dis-je, en comparaison de ces anciens parlements de France.

On savoit en Espagne, aussi bien qu’en France, que ces anciens parlements ignoroient les légistes décorés à la fin du nom de magistrats, qu’ils n’étoient composés que du roi et de ses grands et immédiats vassaux ; que là se décidoient en peu de jours les grandes questions de fief, car la chicane étoit encore à naître, et cette infinité de lois et de coutumes locales qui nourrissent et bouffissent tant de rabats ; que là se décidoit la paix ou la guerre, et là les moyens de celle-ci et les conclusions de celle-là ; et que si on y prenoit la résolution de faire la guerre, c’étoit de l’assemblée même que l’on partoit pour attaquer l’ennemi ou pour défendre les frontières ; enfin là même que se proposoient les lois à faire et qu’elles s’y faisoient quand il en étoit besoin.

On n’ignoroit pas aussi en Espagne quelles sont nos cours judiciaires, aujourd’hui connues sous le nom de parlements, et que ces cours, égales entre elles, parfaitement indépendantes les unes des autres, sont établies par les rois sur certains districts, plus ou moins étendus, qu’on appelle ressorts, pour y connoître des affaires et des procès de tous les sujets du roi du district qui leur a été affecté, et pour les juger suivant les lois et ordonnances des rois et les coutumes des lieux, au nom du roi, mais sans puissance législative, et seulement coactive pour l’exécution de leurs arrêts, lesquels toutefois ne laissent pas d’être cassés au conseil privé du roi, si la partie qui se prétend mal jugée prouve que l’arrêt prononcé est en contradiction avec une ou plusieurs des ordonnances des rois qui sont en vigueur : par où il est évident que les parlements ont en ce conseil un supérieur, et combien mal à propos ils avoient usurpé et s’étoient parés du nom de cour souveraine, lorsque le feu roi le leur fit rayer avec d’autant plus de justice,(1), que ces cours ne tiennent

1. Voy. Mémoires de Louis XIV (t. Ier, p. 47 et suiv. des Oeuvres de