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femmes et filles, traitées pareillement, excepté les seuls enfants de M. le duc d’Orléans, Madame et Mme sa femme, laquelle pourtant sur la fin en tira quelque parti, mais pour elle seule.

Un mois ou six semaines après cette rafle de M. le prince de Conti, Mlle de Charolois eut une augmentation de pension de quarante mille livres, et Mme de Bourbon, sa sœur, religieuse à Fontevrault, une de dix mille francs.

Le grand prieur, pour qui M. le duc d’Orléans avoit un foible, même un respect fort singulier, comme l’impie et le débauché le plus constant et le plus insigne qu’il eût jamais vu, après la tolérance de plusieurs entreprises de princes du sang qui furent enfin tout à fait arrêtées, fut au moins traité en prince du sang quant aux libéralités. J’ai oublié de dire que, environ un an ou quinze mois après son retour, il voulut entrer au conseil de régence, et j’eus vent que M. le duc d’Orléans y consentiroit. Je lui en parlai, et son embarras me montra que l’avis que j’avois eu étoit bon. Je lui montrai l’infamie d’admettre au conseil de régence un homme sans mœurs, sans honneur, sans principe, sans religion, qui depuis trente ans ne s’étoit couché qu’ivre, qui ne voyoit que des brigands, des débauchés comme lui, des gens sans aveu et sans nom ; un homme déshonoré sur le courage et le pillage, qui avoit volé son frère, et capable de prendre dans les poches ; enfin un homme que ses infamies avoient tenu exilé une partie de sa vie, et nouvellement les dix dernières années du feu roi. M. le duc d’Orléans ne put disconvenir de pas un de ces articles, y ajouta même, voulut tourner la chose en plaisanterie, puis me dit que je prenois l’alarme chaude, parce que le grand prieur voudroit me précéder au conseil. Je lui répondis que le grand prieur étoit bien assez insolent pour le prétendre, et lui régent assez foible pour le souffrir, mais, comme que ce fût, qu’il pouvoit s’assurer que ni moi ni pas un autre due ne céderions au grand prieur. Le régent, au lieu de se fâcher,