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procès lui fut fait, et il eut la tête coupée ; et le baron Van der [Nath], impliqué dans la même affaire, fut condamné et mis en prison perpétuelle.

M. le duc d’Orléans, qui avoit fait entrer depuis quelque temps M. le duc de Chartres au conseil de régence et au conseil de guerre sans voix, la lui donna. Il parut qu’il s’en repentit, en l’entendant opiner, bien des fois. Saint-Nectaire fut nommé ambassadeur en Angleterre et pressé de se rendre à Hanovre où étoit le roi Georges. Quand il demanda ses instructions, l’abbé Dubois lui répondit sans détour de n’en point attendre de lui, mais de les prendre des ministres du roi Georges, et d’être bien exact à s’y conformer. Ainsi les Anglois nous gouvernoient sans voile, et par l’abbé Dubois le régent leur étoit aveuglément soumis. En Hollande, Morville avoit le même ordre. Tous deux s’y conformèrent très exactement ; les autres ministres au dehors eurent les mêmes ordres.

Broglio, qui n’avoit pas servi depuis la défaite du maréchal de Créqui à Consarbruck, et que le crédit de Bâville, son beau-frère, avoit fait lieutenant général et commandant en Languedoc pour y être, lui-même Bâville, le maître absolu et sans contradiction, comme il le fut bien des années, s’avisa de demander, sur les bruits de guerre, le bâton de maréchal de France à M. le duc d’Orléans, sous le beau prétexte qu’il étoit le plus ancien lieutenant général. Le régent se mit à rire, et lui dit que M. de Lauzun l’étoit avant lui. Une plaisanterie de M. de Lauzun avoit donné lieu à cette demande qui fut alors très justement et très unanimement moquée, mais qui, toute ridicule qu’elle fût, eut son effet dans la suite. La guerre donna lieu à des bruits d’une promotion de maréchaux de France, parce que le duc de Berwick étoit le seul d’entre ceux qui l’étoient, en état de servir. Le monde en nomma à son gré de toutes les sortes et plusieurs fort étranges. Cela donna lieu au duc de Lauzun, toujours prêt aux malices, de les désarçonner tous par un sarcasme,