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ses équipages : on y fut bien honteux d’avoir été dupés. Les équipages furent renvoyés à Bayonne. Mais Albéroni, lorsqu’il le sut, entra dans un emportement furieux et fit rudement châtier la méprise.

Le comte de Solre, lieutenant général et gouverneur de Péronne, mourut à soixante-dix-sept ans. C’étoit un fort petit homme de corps et d’esprit. La valeur, la probité, la fidélité, la naissance et le service de toute sa vie y suppléoient. Il étoit de la maison de Croï et sa femme de celle de Bournonville, la maréchale de Noailles et elle filles des deux frères. Elle étoit souvent à la cour, debout parmi les dames de qualité, aux soupers du roi et aux toilettes de Mme la Dauphine sans aucune prétention ni son mari non plus, qui fut reçu chevalier de l’ordre, le cinquante-neuvième dans la promotion du dernier décembre 1688, et y marcha sans difficulté depuis dans toutes les fêtes de l’ordre parmi les gentilshommes. Longtemps après le mari et la femme se brouillèrent, et pour ne point donner de scène en se séparant, la comtesse de Solre prit l’occasion du mariage de sa fille avec le prince de Robecque, qui s’étoit attaché à l’Espagne, où il avoit obtenu la grandesse et la Toison. Elle lui mena sa fille, qu’elle aimoit fort, qui en arrivant fut dame du palais de la reine, et toutes deux ont passé le reste de leur vie en Espagne, où je les ai beaucoup vues. Le fils aîné du comte de Solre, qui étoit maréchal de camp, quitta le service après la mort de son père, se fit appeler le prince de Croï, ne quitta plus la Flandre, où il avoit beaucoup de terres, y épousa Mlle de Mylandon, riche héritière, et firent les princes chez eux. Cette dame, devenue veuve, vint avec son fils à Paris pour le mettre dans le service, et tâcha d’éblouir le cardinal Fleury de ses prétentions. Elle n’y réussit que pour obtenir plus tôt l’agrément d’un régiment pour son fils, et ses prétentions l’ont exclue de la cour ; elle est restée à Paris, toujours princesse, mais uniquement pour ses valets, et son fils pareillement.