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domestiques de M. et de Mme du Maine, furent aussi menés à la Bastille. Il fut résolu d’envoyer Mlle du Maine à l’abbaye de Maubuisson, et ses deux frères à Eu, avec un gentilhomme ordinaire du roi auprès d’eux.

Le Blanc me tint parole. J’étois chez moi à huis clos, inquiet de l’exécution, et n’osant pas ouvrir la bouche, me promenant dans mon cabinet et regardant à tous moments ma pendule, lorsqu’un laquais vint de sa part savoir simplement de mes nouvelles. Je fus fort soulagé, quoique dans l’ignorance comment tout se seroit passé. Mon carrosse étoit tout attelé. Je ne fis que monter dedans pour aller chez M. le duc d’Orléans. Je le trouvai seul aussi, qui se promenoit dans sa galerie. Il étoit près de onze heures, Le Blanc et l’abbé Dubois sortoient d’avec lui. Je le trouvai fort empêché de son entrevue avec Mme la duchesse d’Orléans, et moi bien à mon aise de n’être plus à portée avec elle qu’il pût me charger du paquet. Je l’encourageai de mon mieux, et, au bout d’une demi-heure, je m’en allai sur l’annonce du comte de Toulouse.

Je sus après de M. le duc d’Orléans qu’il lui avoit parlé à merveille, protesté qu’il ne savoit pas un mot de cette affaire, et que Son Altesse Royale ne le trouveroit jamais mêlé en rien contre son service ni contre la tranquillité de l’État, qu’il ne pouvoit n’être pas sensible au malheur de M. et de Mme du Maine ; qu’il ne pouvoit se persuader, non plus, que Son Altesse Royale ne les crût fort coupables, puisqu’elle en étoit venue à cette extrémité avec eux ; que, pour lui, il n’osoit demander d’éclaircissement ; qu’il craignoit bien quelque imprudence de M. du Maine, mais qu’il ne se résoudroit jamais à croire son frère coupable qu’il n’en eût bien vu les preuves ; qu’en attendant il se tiendroit dans un silence exact, et ne feroit aucune démarche que de l’agrément de