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corps et Favancourt, brigadier dans la première compagnie des mousquetaires, destiné à le garder dans sa prison.

Comme ils ne parurent devant le duc du Maine que dans le moment qu’ils montèrent en carrosse, le duc du Maine parut surpris et ému de voir Favancourt. Il ne l’auroit pas été de l’exempt des gardes ; mais la vue de l’autre l’abattit. Il demanda à La Billarderie ce que cela vouloit dire, qui alors ne put lui dissimuler que Favancourt avoit ordre de l’accompagner et de rester avec lui dans le lieu où ils alloient. Favancourt prit ce moment pour faire son compliment comme il put, auquel le duc du Maine ne répondit presque rien, mais d’une manière civile et craintive. Ces propos les conduisirent au bout de l’avenue de Sceaux, où les gardes du corps parurent. L’aspect en fit changer de couleur au duc du Maine.

Le silence fut peu interrompu dans le carrosse. Par-ci, par-là M. du Maine disoit qu’il étoit très innocent des soupçons qu’on avoit contre lui, qu’il étoit très attaché au roi, qu’il ne l’étoit pas moins à M. le duc d’Orléans, qui ne pourroit s’empêcher de le reconnoître, et qu’il étoit bien malheureux que Son Altesse Royale donnât créance à ses ennemis, mais sans jamais nommer personne : tout cela par hoquets et parmi force soupirs, de temps en temps des signes de croix et de marmottages bas comme de prières, et des plongeons de sa part à chaque église ou à chaque croix par où ils passoient. Il mangea avec eux dans le carrosse assez peu, tout seul le soir, force précautions à la couchée. Il ne sut que le lendemain qu’il alloit à Dourlens. Il ne témoigna rien là-dessus. J’ai su toutes ces circonstances et celles de sa prison après qu’il en fut sorti, par ce même Favancourt que je connoissois fort, parce que c’étoit lui qui m’avoit appris l’exercice, et qui étoit sous-brigadier de la brigade de Crenay, dans la première compagnie des mousquetaires, dans le temps que j’y étois dans cette même brigade, et qui m’avoit toujours courtisé depuis. M. du Maine