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succès. Sur ce fondement, il s’étoit émancipé dans ses discours ; et quoique jusqu’alors il n’eût agi que secrètement, il s’étoit donné la liberté de parler de manière qu’il avoit aigri le régent. Il voulut réparer auprès de lui ce qu’il avoit dit, mais toutefois il n’abandonna pas les pratiques secrètes qu’il avoit commencées ; et pendant qu’il vouloit faire croire au régent qu’il ne désiroit que l’union et la bonne intelligence entre Sa Majesté Catholique et Son Altesse Royale, il conjuroit le roi son maître de croire qu’à Londres et à Paris on persisteroit dans les résolutions prises, l’intention des deux princes étant d’établir sur les fondements de la paix générale, l’un ses espérances, l’autre sa sûreté sur le trône.

La foi du roi de Sicile, quoique douteuse, ne la paraissoit plus à Cellamare, parce qu’étant persuadé que le roi d’Espagne, ayant besoin de ce prince, ne devoit rien oublier pour ménager ses bonnes dispositions, ainsi la confiance étoit grande entre l’ambassadeur d’Espagne et le comte de Provane, chargé pour lors à Paris des affaires du roi de Sicile. Cellamare lui apprit qu’il avoit reçu par un courrier un ordre positif de déclarer au régent qu’il étoit inutile de laisser plus longtemps Nancré auprès de Sa Majesté Catholique, parce qu’elle ne vouloit accepter ni le projet ni tel autre qu’on pourroit lui proposer, quand même la cession du royaume de Naples y seroit comprise ; qu’elle vouloit uniquement se venger de ceux qui osaient prétendre lui imposer des lois et disposer de sa volonté à leur fantaisie ; qu’elle tâcheroit en même temps d’ouvrir les yeux aux bons François, et leur faire connoître le mauvais usage que M. le duc d’Orléans faisoit de l’autorité de sa régence, combien, par conséquent, leur fidélité étoit intéressée à ne plus tolérer de semblables abus.

L’ambassadeur d’Espagne en Hollande eut en même temps ordre de déclarer que son maître ne recevroit jamais la loi barbare, que ses plus grands amis, et ceux qui avoient reçu de lui plus de bienfaits prétendoient lui imposer ; que le