Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/7

Cette page n’a pas encore été corrigée

difficilement, car il ne pouvoit comprendre qu’elle consentît à laisser au roi d’Espagne les moyens de rentrer en Italie. Il s’échappa même jusqu’à dire, quand il sut que l’empereur acceptoit le projet, qu’enfin Sa Majesté Catholique remettroit le pied en Italie, et qu’elle y seroit soutenue par un bon et puissant ami. Monteléon se flattoit en effet que cette assistance ne pouvoit manquer à l’Espagne de la part de la France, et comme il avoit jugé que la cour de Vienne en penseroit de même, il fut très surpris d’apprendre que, contre son ordinaire, elle se rendit si facile. Il attribua ce changement au peu d’espérance qu’elle avoit apparemment de conclure la paix ou la trêve avec les Turcs. Mais il se trompoit encore, car alors la conclusion de la paix étoit prochaine. Il crut aussi que l’empereur, voyant les princes d’Italie las de ses vexations, prêts à s’unir ensemble pour secouer le joug des Allemands, ne vouloit pas s’exposer à soutenir une guerre en Italie, pendant que celle de Hongrie duroit encore ; que d’ailleurs il avoit à craindre les mauvaises dispositions des peuples de Naples et de Milan, qui seroient vraisemblablement fomentées par le roi de Sicile, si la négociation que ce prince avoit commencée secrètement à Vienne ne finissoit pas heureusement. Or il n’y avoit pas lieu d’en espérer un bon succès. Une des conditions préliminaires que le roi de Sicile demandoit étoit celle de conserver ce royaume ; et l’empereur, de son côté, ne trouvoit rien de plus sensible et de plus avantageux pour lui que d’en faire l’acquisition. La résistance des ministres piémontois l’aigrit d’autant plus qu’il parut par leurs discours que leur maître prétendoit conserver la Sicile de concert et avec l’assistance du roi d’Espagne. À la vérité ils faisoient paroître plus de confiance en ce secours éloigné qu’ils n’en avoient en effet, connoissant parfaitement la faiblesse de l’Espagne et le peu de réalité des forces dont Albéroni faisoit valoir les seules apparences. Mais eux-mêmes les relevant se flattoient que, si l’empereur pouvoit croire avoir