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réputation de Leurs Majestés Catholiques. Albéroni étoit cependant embarrassé de la conclusion d’un traité entre l’empereur et le roi de Sicile. On disoit que ces princes étoient convenus entre eux de l’échange du royaume de Naples avec les États héréditaires de la maison de Savoie. Cette nouvelle vraisemblable étoit regardée comme vraie parce que le caractère du duc de Savoie donnoit lieu d’ajouter foi à tout ce qu’on publioit de ses négociations secrètes, quoiqu’on pût dire de contraire aux assurances que ses ministres donnoient en même temps de sa fidélité envers les princes dont il souhaitoit de ménager l’amitié. Ainsi Lascaris, qui paraissoit être son ministre de confiance à Madrid, à l’exclusion de l’abbé del Maro, son ambassadeur ordinaire, protestoit que son maître étoit libre, et qu’il n’avoit fait aucun traité avec l’empereur ; que, si jamais il entroit en quelque accommodement avec ce prince ; il ne perdroit point de vue les traités qu’il avoit signés avec le roi d’Espagne ; qu’ils seroient sa règle ; qu’il ne prendroit aucun engagement qui leur fût contraire ; et qu’enfin il ne concluroit rien sans l’avoir auparavant communiqué à Sa Majesté Catholique. Mais ces protestations étoient de peu de poids, et le cardinal, persuadé que le ministre confident du roi de Sicile seroit le premier que ce prince tromperoit pour mieux tromper le roi d’Espagne, répondit seulement qu’il rendroit compte à Sa Majesté Catholique des nouvelles assurances qu’il lui donnoit de la part de son maître ; qu’il pouvoit aussi lui écrire qu’elle ne concluroit rien avec l’empereur sans la participation du roi de Sicile. Albéroni prétendit que les avis de ces traités lui avoient été donnés comme certains par les ministres de France et d’Angleterre ; mais il ajouta qu’ils étoient suspects, parce que le régent et le roi Georges, désiroient uniquement pour leurs intérêts l’embrasement de toute l’Europe, et particulièrement celui de l’Italie. Malgré les déclamations continuelles et publiques, et le déchaînement d’Albéroni contre la France, on disoit sourdement qu’il y avoit