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désirs les plus véhéments et les plus continus de toute ma vie. J’étois tenté de ne me plus soucier de rien. Toutefois je ne laissois pas d’entendre cette vivifiante lecture dont tous les mots résonnoient sur mon cœur comme l’archet sur un instrument, et d’examiner en même temps les impressions différentes qu’elle faisoit sur chacun.

Au premier mot que le garde des sceaux dit de cette affaire, les yeux des deux évêques pairs rencontrèrent les miens. Jamais je n’ai vu surprise pareille à la leur, ni un transport de joie si marqué. Je n’avois pu les préparer à cause de l’éloignement de nos places, et ils ne purent résister au mouvement qui les saisit subitement. J’avalai par les yeux un délicieux trait de leur joie, et je détournai les miens des leurs, de peur de succomber à ce surcroît, et je n’osai plus les regarder.

Cette lecture achevée, l’autre déclaration en faveur du comte de Toulouse fut commencée tout de suite par le greffier, suivant le commandement que lui en avoit fait le garde des sceaux en les lui donnant toutes deux ensemble. Elle sembla achever de confondre le premier président et les amis du duc du Maine, par le contraste des deux frères. Celle-ci surprit plus que pas une, et à qui n’étoit pas au fait, la différence étoit inintelligible : les amis du comte de Toulouse ravis, les indifférents bien aises de son exception, mais la trouvant sans fondement et sans justice. Je remarquai des mouvements très divers et plus d’aisance à se parler les uns aux autres pendant cette lecture, à laquelle néanmoins on fut très attentif.

Les importantes clauses du consentement des princes du sang et de la réquisition des pairs de France réveillèrent l’application générale, et firent lever le nez au premier président de dessus son bâton, qui s’y étoit remis. Quelques pairs même, excités par M. de Metz, grommelèrent entre leurs dents, chagrins, à ce qu’ils expliquèrent à leurs confrères voisins, de n’avoir pas été consultés en assemblée