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ses ordres debout et découvert à la barre ; ce parlement, qui depuis la régence avoit déployé sa mauvaise volonté contre lui, jusqu’à donner tout à penser, et qui retenoit encore des prisonniers et des papiers pour lui donner de l’inquiétude ; ce premier président, si supérieur à lui, si orgueilleux, si fier de son duc du Maine, si fort en espérance des sceaux ; ce Lamoignon qui s’étoit vanté de le faire pendre à sa chambre de justice, où lui-même s’étoit si complètement déshonoré, ils le virent revêtu des ornements de la première place de la robe, les présider, les effacer, et entrant en fonction, les remettre en leur devoir et leur en faire leçon publique et forte, dès la première fois qu’il se trouvoit à leur tête. On voyoit ces vains présidents détourner leurs regards de dessus cet homme qui imposoit si fort à leur morgue, et qui anéantissoit leur arrogance dans le lieu même d’où ils la tiroient, et rendus stupides par les siens qu’ils ne pouvoient soutenir.

Après que le garde des sceaux se fut, à la manière des prédicateurs, accoutumé à cet auguste auditoire, il se découvrit, se leva, monta au roi, se mit à genoux sur les marches du trône, à côté du milieu des mêmes marches où le grand chambellan étoit couché sur des oreillers, et prit l’ordre du roi, descendit, se mit dans sa chaire et se couvrit. Il faut dire une fois pour toutes qu’il fit la même cérémonie à chaque commencement d’affaire, et pareillement avant de prendre les opinions sur chacune et après ; qu’au lit de justice lui ou le chancelier ne parlent jamais au roi autrement, et qu’à chaque fois qu’il alla au roi en celui-ci, le régent se leva et s’en approcha pour l’entendre et suggérer les ordres. Remis en place après quelques moments de silence, il ouvrit cette grande scène par un discours. Le procès-verbal de ce lit de justice, fait par le parlement et imprimé [1], qui est entre les mains de tout le monde, me

  1. Le recueil des Anciennes lois françaises (t. XXI, p. 159 et suiv.) contient les différents édits qui furent enregistrés dans ce lit de justice. On peut aussi comparer le Journal de l’avocat Barbier, à la date du mois d’août 1718.