Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/441

Cette page n’a pas encore été corrigée

composai toute ma personne au plus de gravité, de modestie et d’air simple de reconnoissance qu’il me fut possible. M. le Duc me fit malicieusement signe, en souriant, que j’avois bien dit ; mais je gardai mon sérieux et me tournai à examiner tous les autres. On ne peut rendre les mines ni les contenances des assistants. Ce que j’en ai raconté, et les impressions qui les occupoient se fortifièrent de plus en plus. On ne voyoit que gens oppressés et dans une surprise qui les accabloit, concentrés, agités, quelques-uns irrités, quelque peu bien aises, comme La Force, et Guiche qui me le dit aussitôt très librement.

Les avis pris presque aussitôt que demandés, M. le duc d’Orléans dit : « Messieurs, voilà donc qui a passé ; la justice est faite, et les droits de MM. les pairs en sûreté. J’ai à présent un acte de grâce à vous proposer, et je le fais avec d’autant plus de confiance, que j’ai eu soin de consulter les parties intéressées, qui y veulent bien donner les mains, et que je l’ai fait dresser en sorte qu’il ne pût blesser personne. Ce que je vais exposer regarde la seule personne de M. le comte de Toulouse. Personne n’ignore combien il a désapprouvé tout ce qui a été fait en leur faveur, et qu’il ne l’a soutenu depuis la régence que par respect pour la volonté du feu roi. Tout le monde aussi connoît sa vertu, son mérite, son application, sa probité, son désintéressement. Cependant je n’ai pu éviter de le comprendre dans la déclaration que vous venez d’entendre. La justice ne fournit point d’exception en sa faveur, et il falloit assurer le droit des pairs. Maintenant qu’il ne peut plus souffrir d’atteinte, j’ai cru pouvoir rendre par grâce au mérite ce que j’ôte par équité à la naissance, et faire une exception personnelle de M. le comte de Toulouse, qui, en confirmant la règle, le laissera lui seul dans tous les honneurs dont il jouit, à l’exclusion de tous autres, et sans que cela puisse passer à ses enfants s’il se marie et qu’il en ait, ni être tiré à conséquence pour personne sans exception. J’ai le plaisir que les princes du sang y consentent,