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le régent, M. le Duc, le garde des sceaux La Vrillière et moi. Son chauffe-cire et sa boutique étoient dans une chambre à part, et tout proche, avec de l’eau et du feu tout allumé, tout prêt sans que personne s’en fût aperçu. Comme nous achevions ainsi notre inventaire, toujours raisonnant sur ce qui pouvoit arriver, on le vint avertir de la venue de M. le duc d’Orléans. Nous achevâmes en un moment ce que nous avions encore à voir et à nous dire, et, tandis qu’il prit sa robe du lit de justice pour n’avoir pas à en changer après le conseil, je descendis pour ne paroître pas venir d’avec lui. Je voulus même que La Vrillière demeurât, pour ne pas entrer ensemble dans le lieu du conseil.

Depuis les grandes chaleurs on l’avoit tenu dans cette pièce, qui est la dernière du reste de l’enfilade, parce que le roi, incommodé dans sa très petite chambre, étoit venu coucher dans le cabinet du conseil ; mais, ce grand jour-ci, dès que le roi fut hors de son lit, on le mena s’habiller dans sa petite chambre et de là dans ses cabinets. On tira les housses de son lit et celui du maréchal de Villeroy, au pied desquels on mit la table du conseil, et il y fut tenu. En entrant dans la pièce de devant, j’y trouvai beaucoup de monde que le premier bruit d’une chose si peu attendue avoit sans doute amené, et parmi ce monde quelques-uns du conseil. M. le duc d’Orléans étoit dans un gros de gens au bas bout de cette pièce et, ce que je sus depuis, sortoit de chez le roi, où il avoit vu le duc du Maine en manteau, qui l’avoit suivi jusqu’à la porte, comme il sortoit, sans s’être dit un mot l’un à l’autre.

Après un assez léger coup d’œil sur cette demi-foule, j’entrai dans le cabinet du conseil. J’y trouvai épars la plupart de ceux qui le composoient avec un sérieux et un air de contention d’esprit qui augmenta la mienne. Personne presque ne se parloit, et chacun, debout ou assis, çà et là, se tenoit assez en sa place. Je ne joignis personne pour mieux examiner. Un moment après M. le duc d’Orléans entra d’un