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la terreur du maréchal de Villeroy, leurs intrigues avec le prince de Cellamare, ambassadeur d’Espagne et le cardinal Albéroni, lié de tout temps avec le duc du Maine par le feu duc de Vendôme son maître, et toujours cultivé depuis ; le grand mot du comte de Toulouse à M. le duc d’Orléans sur son frère ; tout cela me parut pouvoir donner de la solidité à ce qui n’en pouvoit avoir par nature, et dans le cours ordinaire. Je le mandai par un billet au régent, et demeurai tout le jour chez moi avec le duc d’Humières et Louville, barricadé pour tout ce qui n’étoit point du secret.

Entre quatre et cinq de l’après-dînée, on m’avertit que M. le Duc sortoit de ma porte, où il avoit fait beaucoup d’instances pour entrer, et qu’il étoit allé chez le duc de La Force ; fort près de chez moi. J’avois demandé le matin au régent la permission de confier au duc de La Force ce qui regardoit les bâtards, dont jusqu’alors il n’avoit pas su un mot, parce que j’en avois besoin pour dresser la déclaration en faveur du comte de Toulouse, et je compris que M. le Duc, ne m’ayant pu voir, étoit allé raisonner avec lui sur le lit de justice. J’envoyai aussitôt à l’hôtel de La Force dire à M. le Duc que je ne m’étois pas attendu à l’honneur de sa visite, et s’il avoit agréable de me faire celui de revenir. Il arriva sur-le-champ. J’avois grande curiosité de ce qui pouvoit l’amener. Je lui fis mes excuses de la clôture de ma porte, où l’affaire présente me tenoit, et où ne devinant point qu’il pourroit venir, je ne l’avois point excepté comme les autres du secret, et deux ou trois autres mes intimes amis, pour qui elle n’étoit jamais fermée, de peur de donner inutilement à penser à mes gens. Après cela je lui demandai des nouvelles.

Il me dit, avec la politesse d’un particulier, qu’il venoit me rendre compte de ce qu’il avoit fait avec Son Altesse Royale, à qui il avoit demandé la réduction des bâtards au rang de leurs pairies, comme l’éducation, et qu’il l’espéroit ; mais qu’il venoit aussi envoyé par elle, sur le billet que je lui avois écrit l’après-midi, et savoir de moi ce que j’avois appris.