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pas fermé l’œil de toute la nuit dans l’angoisse en laquelle il se trouvoit ; que néanmoins, son parti étoit pris par les raisons qu’il m’avoit dites ; qu’il me tiendroit parole aussi sur notre rang ; et que lui Millain m’apportoit les projets d’édits qu’il avoit toujours désiré pouvoir me communiquer. Nous les lûmes : premièrement, celui pour le seul changement de la surintendance de l’éducation du roi ; après, celui du rang intermédiaire ; enfin, celui de la réduction des bâtards au rang de leurs pairies, révoquant tout ce qui avoit été fait au contraire en leur faveur. J’entendis le second avec peine ; et ne m’arrêtai qu’au premier et au dernier qui étoient parfaitement bien dressés, le dernier surtout, selon mon sens, et tel qu’il a paru depuis. Je dis à Millain qu’il falloit travailler à celui du rétablissement du comte de Toulouse, sans préjudice de celui que je voulus aussi dresser ; et que, s’il vouloit revenir le lendemain à pareille heure, nous nous montrerions notre thème l’un à l’autre, pour convenir de l’un des deux ou d’un troisième pris sur l’un et sur l’autre. Je le chargeai de bien entretenir M. le Duc dans la fermeté nécessaire sur ce qui nous regardoit, en lui en inculquant les conséquences, et, après une assez longue conférence, nous nous séparâmes.

Aussitôt après j’allai au Palais-Royal, par la porte de derrière, où j’étois attendu pour rendre compte au régent de ma conversation avec M. le Duc. Il ferma la porte de son grand cabinet, et nous nous promenâmes dans la grande galerie. Dès le premier demi-quart d’heure je m’aperçus que son parti étoit pris sur l’éducation en faveur de M. le Duc, et que je n’avois pas eu tort la veille, aux Tuileries, de l’avoir soupçonné de s’être trop ouvert et trop laissé aller à ce prince, comme je m’en étois bien aperçu avec lui dans ce jardin. Mes objections furent vaines. L’éclaircissement sur M. le comte de Charolois et l’aveu du comte de Toulouse sur son frère avoient fait des impressions, que le repentir d’avoir différé et les raisons et les empressements de M. le Duc,