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du chancelier de Pontchartrain qui les avoit dressés ; qu’il étoit très capable et très honnête homme ; qu’il se fiait fort en lui, et que je pourrois lui parler en toute confiance.

Je saisis cette ouverture avec une avidité intérieure que je couvris de politesse et de complaisance. Millain étoit fort homme d’honneur, de règle et de sens, et par son mérite fort au-dessus de son état. Les distinctions que je lui avois témoignées chez M. le chancelier de Pontchartrain, fondées sur l’estime qu’il en faisoit et après sur ce que j’en connus par moi-même, me l’avoient attaché. À la retraite du chancelier, il avoit voulu continuer à prendre soin de ses affaires et ce n’avoit été qu’à condition de ne pas cesser qu’il avoit cédé à l’empressement du chancelier Voysin de l’avoir auprès de lui, et ensuite à passer chez M. le Duc. Il étoit toujours demeuré dans les mêmes termes avec moi, quoique les occasions de nous voir fussent devenues fort rares depuis la retraite de son premier maître que j’allois voir souvent, mais chez qui je ne le rencontrois plus. Il me parut à souhait à mettre entre M. le Duc et moi et à m’en servir auprès de lui. Nous convînmes donc qu’il viendroit le lendemain matin chez moi avec ces trois projets, et cette promptitude me parut faire plaisir à M. le Duc.

Après propos là-dessus, que je laissai aller pour laisser mâcher à M. le duc ce que je lui venois de dire de fort, et pour mettre un intervalle à ce que j’avois dessein d’ajouter, je crus lui devoir serrer la mesure. Je lui dis donc que je le suppliois de ne pas regarder comme manque de respect, mais bien comme une confiance que l’affaire exigeoit, et, que celle dont il m’honoroit dans tout ceci me donnoit droit de prendre en lui avec un aveu naturel que je lui allois faire dont je le conjurois de ne se point avantager d’une part et de ne le point trouver mauvais de l’autre ; que, voyant sa fermeté à vouloir l’éducation, j’avois déjà soupçonné qu’on ne viendroit pas à bout de l’en déprendre, et que dans cette crainte j’avois voulu à tout hasard ce matin même sonder le