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dot pour deux, ou que, tout occupé de son affaire, il se passât volontiers à un gouvernement pour M. son frère.

Il me pressa ensuite de voir M. le duc d’Orléans le lendemain matin chez lequel il devoit aller ce même lendemain l’après-dînée, de me mettre en sa place sur le peu de réalité de ses paroles, et sur le danger qu’il y auroit en attendant ; puis me répéta avec feu que, [de] ce qui se passeroit le vendredi prochain, et non un jour plus tard, dépendroit aussi de son dévouement ardent et entier pour M. le duc d’Orléans, ou de ne vouloir pas aller pour son service d’où nous étions au grand rond des Tuileries, au bord presque duquel nous nous entretenions pour pouvoir voir dans l’obscurité autour de nous. Il ne se contenta pas de me répéter la même déclaration ; mais il me pria de la faire de sa part au régent, et d’y ajouter que, s’il n’avoit l’éducation le vendredi suivant, il lui en resteroit un ressentiment dans le cœur, dont il sentoit bien qu’il ne seroit pas maître, et qui lui dureroit toute sa vie.

Je me débattis encore là-dessus tant que je pus ; mais enfin il me força par me dire que, puisqu’il trouvoit fort bon que j’appuyasse mes raisons, il avoit droit aussi d’exiger de moi que je ne cachasse rien à M. le duc d’Orléans de ce qu’il désiroit qui passât à lui par moi de sa part. À bout donc sur ce beau message je crus, à voir une détermination si forte, qu’à tout hasard je devois l’entretenir dans la bonne humeur où je l’avois laissé sur nôtre rang à l’égard des bâtards. Je finis la conversation par là, et il me promit de lui-même, sans que je l’en priasse, de dire le lendemain à M. le duc d’Orléans que, toute réflexion faite, leur réduction à leur rang de pairie parmi les pairs étoit ce qui lui paraissoit le meilleur à suivre des trois projets de déclarations ou d’édits qu’il lui avoit présentés. Je sentis bien qu’en effet je l’en avois persuadé dès l’hôtel de Condé ; mais je ne sentis pas moins qu’il vouloit me plaire et me toucher par un endroit aussi sensible pour émousser mes raisons de ne pas toucher au duc du Maine.