Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/348

Cette page n’a pas encore été corrigée

chaud du pont Neuf, à ce que je vois, et que pour avoir M. le Duc il faut deux choses : lui donner l’éducation du roi, et un établissement à son frère. Comment ferez-vous pour tout cela, monsieur, et par où en sortirez-vous ? L’éducation est encore pis que l’établissement, et si l’établissement, je ne le vois pas. — Tout cela ne m’embarrasse pas, me dit le régent. D’établissement, je n’en sais point faire quand il n’en vaque pas, et la réponse est sans réplique. Je ne crains point l’établissement d’Espagne ; Albéroni y regardera à deux fois à se mettre un prince du sang sur le corps, lequel n’a rien, et qui voudra autorité et biens, et au bout du compte, ils prendront garde aussi qu’un peu vaut mieux ici que plus et beaucoup là-bas, et l’espérance ici avec les difficultés de l’autre côté les retiendra, et nous donnera du temps. Pour l’éducation, je n’en ferai rien, et j’ai un homme bien à moi à cette heure, qui ôtera à M. le Duc cette fantaisie de la tête, car il le gouverne, et je le dois voir tantôt. — Mais, monsieur, lui dis-je, qui est cet homme ? — C’est La Faye, me répondit-il, qui est son secrétaire, qu’il consulte, et croit surtout, et entre nous, je lui graisse la patte. — À la bonne heure, lui dis-je, faites tout comme il vous plaira, pourvu que vous sauviez l’éducation. »

Là-dessus, nous nous mîmes à rebattre cette matière, puis celle du parlement ; et revenant à M. le Duc, je lui fis sentir la différence d’un mariage où il auroit tout à faire, et encore à essuyer les aventures domestiques, d’avec celui du prince de Piémont, oncle du roi. Il le comprit très bien, et conclut par se très bien affermir dans le parti de ne céder point à M. le Duc. Il me dit là-dessus qu’il lui avoit très bien expliqué que la pension de cent cinquante mille livres qu’il venoit de lui accorder, comme chef du conseil, n’avoit jamais été donnée en cette qualité à son bisaïeul dans, la dernière minorité, mais bien comme premier prince du sang, qui étoit la même pension qu’en la même qualité avoit encore M. le duc de Chartres ; que M. le Duc lui avoit