Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/329

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faire l’un sans l’autre. Mais faites-vous attention que l’artillerie est office de la couronne, et ne se peut ôter que par voie juridique et criminelle ? — Qu’est-ce que cela ? répliqua-t-il vivement ; l’artillerie n’est rien, il n’y a qu’à la lui laisser jusqu’à ce qu’il donne lieu à en user autrement, avoir attention qu’il né s’y passe rien, à en disperser les troupes avec d’autres dont on soit sûr. Et les carabiniers ? ajouta-t-il. — Voici, répartis-je, une belle distribution. Mais si elle avoit lieu, je tiendrois dangereux de renvoyer les carabiniers dans leurs régiments ; non que cette invention de les avoir mis en corps ne soit pernicieuse aux corps, et très mauvaise au service, mais il ne faut pas jeter des créatures de M. du Maine dans tous les régiments de cavalerie ; ainsi j’aimerois mieux par cette seule raison, les laisser comme ils sont, et les donner à M. le prince de Conti pour qu’il eût aussi quelque chose, et qu’il ne criât pas si fort de n’avoir rien. » M. le Duc l’approuva en souriant, comme comptant peu son beau-frère, et me demanda si je ne parlerois pas à M. le duc d’Orléans ce jour-là même, parce qu’il s’agissoit du surlendemain mardi ; je lui répondis que je ferois ce qu’il m’ordonneroit, mais qu’il falloit auparavant savoir que lui dire et comment lui dire, et pour cela résumer notre conversation pour convenir de nos faits ; que je le suppliois de se souvenir de toutes les grandes et fortes raisons que je lui avois alléguées pour ne rien faire présentement contre M. du Maine ; que quelque intérêt que je trouvasse à le voir attaquer, je ne pouvois promettre ni de changer d’avis sur ce que je venois d’entendre, ni porter Son Altesse Royale à l’attaquer tant que je ne semis pas persuadé ; que, du reste, il n’avoit qu’à voir quel usage il vouloit que je fisse de cette conversation, et qu’il seroit fidèlement obéi. Il prit cette occasion de me dire que j’en usais si franchement avec lui, qu’il me vouloit parler d’une chose sur laquelle il espéroit que je voudrois bien lui répondre de même.

Il me dit donc qu’il voudroit bien savoir ce que je pensois