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au trône. Le comte de Toulouse lui-même, après avoir rendu ses sentiments publics là-dessus dans le temps, eût été bien embarrassé d’agir contre, et voilà le cas où sa probité et sa nature auroit pu suivre librement son penchant ; mais d’avoir, trois ans durant, accoutumé le monde à les confondre avec les princes du sang, après avoir reculé au delà de l’injustice et de l’indécence à juger entre les princes du sang et eux, après avoir par ce jugement même confirmé, canonisé leur état, leurs rangs, tout ce qu’ils sont et ont, excepté l’habilité à succéder à la couronne, et qui pis est, laissé entrevoir que cette habilité de succéder à la couronne n’est que faiblement retranchée et pour un temps très indifférent, puisque par le même arrêt on leur laisse les rangs et les honneurs qui n’ont jamais eu et ne peuvent jamais avoir que cette habilité pour base et pour principe, et qui sont inouïs pour tout ce qui n’est pas né prince du sang ; puisqu’on leur laisse encore par l’éducation un moyen clair et certain de revenir à cette habilité dans quatre ans, puisqu’on fortifie ainsi l’habitude publique de les identifier avec les princes du sang par un extérieur entièrement semblable, quel moyen de pouvoir revenir à leur faire un crime de cet attentat à la couronne et un crime digne du dépouillement ? Or le dépouillement sans crime est une tyrannie qui attaque chacun, parce que tout homme revêtu craint le même sort quand il en voit l’exemple, et s’irrite d’un si dangereux déploiement de l’autorité. Ne les dépouillez pas, ils auront lieu de craindre de l’être, ils auront raison de remuer pour leur propre sûreté ; sans compter la vengeance, la rage, les fureurs de Mme du Maine qui n’a pas craint ni feint de dire du vivant du roi, que, quand on avoit le rang, les honneurs, l’habilité à la couronne qu’avoit obtenus M. du Maine, il falloit renverser l’État plutôt que s’en laisser dépouiller. Après cela, monsieur, continuai-je avec moins de chaleur mais avec autant de force, vous devez croire que je suis vivement pénétré de ces raisons et du bien de l’État pour persévérer dans