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homme et à un homme sûr, en qui il savoit qu’on pouvoit se fier de tout ; que, s’il étoit persuadé d’obtenir une autre fois de lui l’éloignement de M. du Maine d’auprès du roi, il n’insisteroit pas à le vouloir à cette heure ; mais que je savois moi-même ce qui en étoit, et me prioit de lui dire si, cette occasion passée, il y devoit compter ; qu’il avoit [eu] sa parole de le faire à la mort du roi, puis le lendemain de la première séance au parlement, enfin lors du procès des princes du sang ; que tant de manquements de parole et à une parole si précise et si souvent réitérée non vaguement, mais pour des temps préfix, lui ôtaient l’espérance, s’il laissoit échapper l’occasion qui se présentoit, et que de là venoit ce que je pouvois prendre pour opiniâtreté ; et qui pourtant n’étoit que nécessité véritable ; que le régent étoit perdu si M. du Maine demeuroit auprès du roi jusqu’à la majorité ; que les princes du sang et lui nommément ne l’étoient pas moins ; que cette vérité ne pouvoit pas être révoquée, en doute ; qu’il y avoit donc de la folie à s’y commettre et à ne pas profiter de l’expérience et de l’occasion ; et qu’on se sentoit assez de l’affermissement de M. du Maine, pour ne le laisser pas affermir davantage.

Cela dit plus diffusément que je ne le rapporte, M. le Duc me pria de lui répondre précisément. Je ne pus disconvenir des vérités qu’il avoit avancées. « Mais, lui dis-je, monsieur, cela empêche-t-il une guerre civile ? Tout cela montre bien l’énormité de la faute d’avoir laissé subsister les bâtards à la mort du roi, et encore un peu depuis. Chacun comptoit sur leur chute et la souhaitoit ; mais à présent que les choses ont changé de face par l’habitude et encore plus par le titre qui leur semble donné, par le jugement intervenu entre les princes du sang et eux, on est où on en étoit, et ce qui étoit sage à faire à la mort du roi, et tôt après encore ou dans le jugement des princes du sang et d’eux, ne nous précipitera-t-il pas dans des troubles en le faisant présentement ? Vous dites que la nature et la probité de M. le comte de Toulouse l’empêchera