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et des pensions étrangères, mais hors de toute mesure qu’on osât lui en présenter. Ce ne fut donc pas cette voie qui le gagna, c’est peu dire, qui le livra à l’Angleterre, et encore sans penser à elle ni à l’intérêt de cette couronne, et c’est ce qu’il faut maintenant expliquer. Pour le bien faire il faut dire ici que je fus toujours en usage que lui et moi nous nous parlions de tout. Il trouva toujours très bon que je lui demandasse à quoi il en étoit avec telle ou telle puissance ; il m’y répondoit toujours franchement et avec détail. Très ordinairement aussi il m’en parloit le premier, si bien même qu’allant chez lui pour lui parler de choses qui me regardoient, et craignant d’y être interrompu, faute de temps, par l’heure pour lui d’aller chez le roi, ou par quelque autre nécessité semblable, je lui fermois souvent la bouche sur les affaires, en lui disant que j’étois là pour les miennes, que je craignois de manquer de temps, et qu’après que je lui aurois expliqué ce qui m’amenoit, je serois ravi d’apprendre ensuite ce qu’il voudroit bien me dire ; et en effet, quand j’avois achevé, il revenoit à me parler d’affaires d’État, quelquefois de cour, mais jamais qu’en récit, en raisonnements de sa part et de la mienne, sans rien qui approchât de la consultation. Cela suffit ici ; on pourra voir dans la suite ce qui m’avoit mis et établi dans cette stérile confiance. J’ajouterai seulement que jamais en aucun temps ni moment son cabinet ne me fut fermé, et qu’à moins de cause majeure et rare c’étoit toujours moi qui le quittois ; qu’il ne me montra jamais qu’il trouvât que c’étoit assez demeurer avec lui, et que souvent il me retenoit, me demandoit pourquoi je m’en allois, causoit en me suivant à la porte, et assez souvent encore quelque peu debout devant la porte avant de l’ouvrir.

Ce ministre tourna une vertu en défaut que je lui ai souvent reproché. La vie pauvre qu’il avoit menée jusqu’à son épiscopat, car il avoit d’ailleurs très peu de bénéfices, celle surtout qu’il avoit menée dans sa jeunesse dans les collèges