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avec son maître qu’une correspondance immédiate, pour sevrer Huxelles son conseil et tout autre de toute connoissance de sa négociation, dont il ne leur laissa voir que les dehors, et il choisit pour la remise de ses lettres au régent et du régent à lui un homme dont il étoit sûr, qui espéroit tout par lui, qu’il trompa quand il n’en eut plus que faire, selon sa coutume, et qu’il fit enfin chasser, parce que cet homme s’avisa de se plaindre de lui. C’étoit Nocé, dont j’ai parlé quelquefois, et dont j’ai fait connoître le caractère, pour qui M. le duc d’Orléans avoit de tout temps de l’amitié et de la familiarité, mais qu’il connoissoit assez pour se contenter de lui faire du bien, et de l’amusement de sa conversation et de ses fougues souvent justes et plaisantes, car il avoit beaucoup d’esprit et de singularité, mais pour se garder de l’employer dans aucune sorte d’affaire. C’est ce que l’abbé Dubois cherchoit ; il y trouvoit de plus un homme fort accoutumé au prince, et en état de lui rendre fidèlement compte de la mine, de l’air et du visage du régent, quand il lui rendoit ses lettres, et qu’il recevoit de sa main celles qu’il devoit envoyer en réponse. Ces réponses, excepté pour l’écorce ou pour les choses que l’un et l’autre ne se soucioient pas de cacher, comme il s’en trouve toujours dans le cours d’une négociation longue, étoient toujours de la main de M. le duc d’Orléans. Il avoit la vue fort basse ; elle peinoit surtout en écrivant, et regardoit son papier de si près que le bout de sa plume s’engageoit toujours dans sa perruque aussi n’écrivoit-[il] jamais de sa main que dans la nécessité et le plus courtement qu’il lui étoit possible. C’étoit encore un artifice de l’abbé Dubois, et pour n’admettre personne entre lui et son maître dans le secret de sa négociation, et pour profiter de cette difficulté d’écrire qui jointe de la paresse en ce genre, et à cet ascendant que le prince avoit laissé prendre à l’abbé Dubois sur lui, opéroit une contradiction légère et un raisonnement étranglé quand il arrivoit que le régent n’étoit pas de son avis, et qui par l’opiniâtreté, la