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d’accord avec l’empereur, et croyoit que la condition principale de leur engagement étoit celle du mariage du prince de Piémont avec une archiduchesse. Il y avoit alors trois ministres piémontois à Madrid : l’abbé del Maro étoit ambassadeur ordinaire ; le roi son maître, peu content de lui et se défiant du compte qu’il lui rendoit, avoit envoyé Lascaris, soit pour découvrir les véritables sentiments d’Albéroni, soit pour faire avec lui un traité secret ; enfin, ce prince soupçonneux et toujours en garde contre ses propres ministres, les faisoit épier, l’un et l’autre par le secrétaire de l’ambassade, nommé Corderi, et donnoit directement à ce dernier des ordres et des instructions dont la connoissance étoit cachée à Lascaris comme à del Maro. Immédiatement après l’arrivée de Lascaris à Madrid, Corderi fut chargé d’en aller donner part à Albéroni. Ce premier ministre répondit qu’il étoit très aise que cette voie lui fût ouverte pour donner au roi de Sicile des preuves effectives d’une confiance très sincère, et pour le persuader de l’attachement naturel qu’il avoit pour la personne et pour les intérêts de ce prince ; il ajouta que, comme ils ne pouvoient être séparés dans la conjoncture présente des intérêts de la couronne d’Espagne, il se feroit un devoir d’en user à l’égard de Lascaris avec autant d’ouverture et de confiance que les obligations de son ministère le lui pourroient permettre. Les deux agents du roi de Sicile conçurent une merveilleuse espérance d’une si favorable réponse.

Peu de jours après, le secrétaire Corderi retourna chez Albéroni ; il avoit à l’instruire des intentions de son maître sur la mission de Lascaris. Le cardinal avoit demandé quelles étoient ses instructions, afin de pouvoir traiter avec lui sur les affaires courantes, et Corderi, ayant reçu les ordres du roi de Sicile sur cette question, lui dit que ce prince répondoit que, pour fixer les instructions qu’il donneroit à son ministre, il étoit nécessaire en premier lieu qu’il fût lui-même éclairci sur la diversité des sentiments entre la cour