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s’emparer, le coup de la prise de Palerme ayant mis en mouvement, suivant l’expression du cardinal, toutes les puissances infernales, et les mesures étant prises de tous côtés pour embarrasser l’Espagne. Il reprochoit encore au marquis de Lede, général de l’armée d’Espagne, d’avoir laissé au comte Maffeï, vice-roi de l’île pour le duc de Savoie, la liberté entière de se retirer à Syracuse, qu’on devoit regarder non seulement comme la meilleure forteresse du royaume, mais qu’on savoit de plus être en état de recevoir les secours d’hommes et de vivres proportionnés au besoin qu’elle en, auroit. Il étoit encore de la prudence de faire suivre Maffeï par un détachement de cavalerie ; et quoique fatiguée, ce n’étoit pas une raison pour l’exempter de marcher, la conjoncture étant si importante qu’il n’étoit pas permis de ménager les troupes, quand même il auroit été sûr qu’elles périroient dans la marche. D. Jos. Patiño étoit alors intendant de l’armée. Albéroni l’exhorta pour l’amour de Dieu, disoit-il, à donner un peu plus de chaleur au naturel froid de son ami le marquis de Lede. « S’il est bon, disoit le cardinal, d’épargner les troupes quand on le peut, il faut aussi songer qu’elles sont faites pour fatiguer et pour crever quand il convient ; qu’à plus forte raison, on doit en user de même à l’égard des bêtes. » La facilité de faire passer des troupes de Naples en Sicile augmentoit les difficultés que les Espagnols trouvoient à s’emparer de Messine dont ils auroient pu se rendre maîtres sans peine, si leur général, à qui Dieu pardonne son indolence, n’avoit perdu le temps à prendre Palerme, ville sans résistance. Albéroni comptoit déjà que la France, l’Angleterre, l’empereur et le duc de Savoie, s’uniroient contre l’Espagne ; le projet du cardinal étoit en ce cas de laisser quinze mille hommes en Sicile, pour en faire la conquête entière ; et lorsqu’elle seroit achevée, il prétendoit transporter toutes ces troupes en Espagne. Il soutenoit que le duc de Savoie n’avoit songé qu’à tromper le roi d’Espagne, employant différentes voies pour l’amuser par de vaines propositions