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règne de Philippe II. Cette nouvelle puissance maritime alarmoit déjà les Anglois. Ils croyoient aisément, et publioient que la véritable vue du conseil d’Espagne en relevant ses forces de mer, étoit de s’opposer généralement à tout commerce que les nations étrangères pourroient faire aux Indes occidentales. Il étoit facile qu’un tel soupçon fît en peu de temps un grand progrès en Hollande et en Angleterre. Albéroni, prévoyant l’effet que la jalousie du commerce pourroit causer dans l’un et l’autre pays, écrivit par l’ordre du roi d’Espagne à son ambassadeur en Hollande d’assurer non seulement les négociants Hollandois, mais encore les Anglois qui se trouveroient dans ce pays, et généralement tout homme de commerce, que jamais Sa Majesté Catholique n’altéreroit les lois établies, et ne manqueroit aux traités. Ce ministre devoit aussi leur dire que le peu de forces que le roi son maître avoit en mer étoit seulement pour la sûreté de ses côtes dans la Méditerranée, aussi bien que pour la défense et la conduite de ses galions ; qu’à la vérité, Sa Majesté Catholique avoit lieu de se plaindre de la déclaration des Anglois ; mais un tel procédé de leur part n’avoit pas empêché qu’elle n’eût donné ordre de ne pas toucher aux effets qui appartiendroient aux Anglois sur la flotte nouvellement arrivée à Cadix, l’intention de Sa Majesté Catholique étant de faire remettre à chacun des intéressés ce qui pouvoit leur appartenir.

Le ministre d’Espagne n’étoit pas cependant sans inquiétude du succès qu’auroit la descente des Espagnols en Sicile, et de la suite de leur premier succès. Son projet n’étoit pas encore bien formé, et ses résolutions incertaines dépendoient de l’événement. Albéroni vouloit croire que la Sicile seroit soumise en peu de temps ; il se proposoit de faire ensuite passer l’armée d’Espagne ; mais il sentoit, et l’avouoit même, que c’étoit uniquement aux officiers généraux qui commandoient l’armée à délibérer et décider des résolutions qu’il conviendroit de prendre. L’escadre Anglaise lui donnoit de