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heureux début lui ouvrit de grandes vues pour l’avenir. Comme il falloit cependant donner une couleur à cette entreprise et justifier une expédition faite en pleine paix, au préjudice des traités, Albéroni supposa que le roi d’Angleterre, médiateur de la triple alliance qui se négocioit actuellement, avoit intention d’engager le duc de Savoie de livrer la Sicile à l’archiduc, contre les dispositions du traité d’Utrecht, portant expressément que cette île retourneroit au pouvoir de l’Espagne au défaut d’héritiers mâles du duc de Savoie à qui la Sicile étoit cédée. Albéroni vouloit persuader qu’une telle contravention aux traités de paix avoit forcé le roi d’Espagne à prévenir le coup en s’assurant d’un royaume qui lui appartenoit par toutes les raisons de droit divin et humain.

Le projet d’Albéroni étoit d’entretenir en Sicile une armée de trente-six mille hommes, nombre de troupes suffisant non seulement pour conserver sa conquête, mais encore pour tenir en inquiétude les Allemands dans le royaume de Naples et leur faire sentir les incommodités d’un pareil voisinage. La conquête de la Sicile, l’espérance de la conserver, de passer facilement à celle de Naples, et l’idée de chasser ensuite les Allemands de toute l’Italie, devinrent pour le roi d’Espagne de nouveaux motifs de rejeter absolument le traité d’alliance proposé par le roi d’Angleterre et de s’irriter de la facilité que le régent a voit eue d’acquiescer aux propositions de ce prince, d’envoyer même Nancré à Madrid pour appuyer les instances que le comte de Stanhope devoit faire, et persuader à Sa Majesté Catholique d’y consentir. Albéroni prétendit que, bien loin que tant de mouvements dussent toucher Sa Majesté Catholique, ils faisoient voir, au contraire, quelle étoit l’agitation des ministres du roi d’Angleterre, la crainte qu’ils avoient des recherches d’un nouveau parlement qui s’élèveroit contre une conduite si contraire aux véritables intérêts de la nation, enfin la partialité. déclarée du roi Georges pour l’empereur