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de confiance de la part du régent. Cet homme, devenu négociateur, soutenoit qu’il étoit de l’intérêt de toutes les puissances de l’Europe d’abaisser celle du duc de Savoie. Ce prince, étonné de la descente imprévue des Espagnols en Sicile, suivie de la prise de Palerme, écrivit aussitôt au régent pour lui demander, en exécution du traité d’Utrecht, les secours de troupes que la France étoit obligée de fournir pour la garantie du repos de l’Italie ; le courrier, dépêché à Paris au comte de Provane, remit aussi au comte de Stanhope, qui s’y trouvoit encore alors, une lettre pour le roi d’Angleterre, contenant les mêmes instances. Cellamare ne manqua pas, de s’y opposer ; mais le régent lui répondit que par le traité d’Utrecht le roi étoit également garant et du repos de l’Italie et de la réversion de la Sicile à la couronne d’Espagne ; que Sa Majesté, manquant à l’un de ses engagements, ne pourroit se croire obligée à l’autre, stipulé par le même traité. Son Altesse Royale offrit donc des secours à Provane ; mais on jugeoit par la manière dont ce prince les offroit qu’il n’avoit nulle intention d’exécuter ce qu’il promettoit ; on sut même qu’il avoit fait quelques railleries de l’état où, se trouvoit le duc de Savoie, et il revint dans le public qu’il avoit dit que le renard étoit tombé dans le piège, que le trompeur avoit été trompé, enfin plusieurs discours dont ceux qui les avoient entendus n’avoient pas gardé le secret. La discrétion n’étoit pas plus grande alors sur les affaires d’État, dont les particuliers n’ont pas, droit de raisonner, encore moins de censurer les résolutions du gouvernement ; on condamnoit librement et sans la moindre contrainte tant de traités différents, tant d’engagements opposés les uns aux autres, tant de liaisons avec les ennemis anciens et naturels de la France, prises secrètement et sans la connoissance du conseil de régence. On ne blâmoit pas moins les dépenses immenses faites mal à propos pour s’assurer de la foi légère et de la constance plus que douteuse de ces puissances, et les raisonneurs concluoient qu’il étoit difficile