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rétablissement de leurs affaires. On croyoit encore à Rome que les mêmes intérêts unissoient les cours de France et d’Espagne, et le pape craignoit que le régent ne prît vivement le parti du roi catholique. Mais depuis, la régence les maximes étoient changées. Sa Sainteté pouvoit agir librement à l’égard de l’Espagne ; la France ne songeoit pas à détourner ni même à retarder les coups qui menaçoient Madrid. Toutefois le pape prit la précaution superflue d’avertir son nonce à Paris, et de ses résolutions et de ses motifs. Le seul étoit l’obligation et le désir de faire son devoir ; car il importe bien plus, disoit Sa Sainteté, de ne pas tomber entre les mains du Dieu vivant que de tomber entre les mains des hommes. Cette nécessité, détachée de tout intérêt et de toute vue humaine, l’avoit fait agir. Nulle réflexion sur la cour de Vienne n’avoit part à sa conduite. Elle n’en étoit pas mieux traitée que celle d’Espagne. Elle recevoit également des injures de l’une et de l’autre. Mais dans le cas présent la justice et la raison de se plaindre étoient du côté de l’empereur, qui, se croyoit trompé par la confiance qu’il avoit prise en la parole du roi d’Espagne, garantie par Sa Sainteté. Aldovrandi avoit ordre de s’expliquer ainsi à Madrid, au sujet des résolutions de son maître ; mais tout accès lui étant fermé, il fallut se contenter d’une longue conférence qu’il eut avant son départ avec le P. Daubenton, confesseur du roi d’Espagne. On sut que ce jésuite lui avoit conseillé de marcher lentement, de régler chacune de ses journées à quatre lieues, et de s’arrêter à la frontière de France. Le reste demeura secret. Aubenton avoit de grandes vues. Son élévation dépendoit de la cour de Rome ; la rupture avec celle d’Espagne renversoit ses projets. Il voulut faire le pacificateur. Un tel rôle déplut à Albéroni, personnellement offensé, et autant irrité contre Aldovrandi que contre le pape. Il se plaignit du nonce comme ayant manqué de confiance pour lui ; et c’étoit à cette défiance que ce ministre, disoit Albéroni, devoit attribuer son malheur qu’il auroit