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de la ville et du territoire de Bologne, à l’occasion des eaux dont le Bolonois couroit risque d’être inondé. Les amis de l’Espagne comptoient qu’il lui seroit facile de faire restituer au saint-siège la ville et les dépendances de Comachio, encore plus aisé de ranger à son devoir un petit prince tel que le duc de Modène ; qu’un tel service rendu à l’Église, dans le temps même que le pape en usait si mal à l’égard de Sa Majesté Catholique, feroit d’autant plus éclater sa piété ; qu’il augmenteroit les soupçons que les Allemands avoient déjà des intentions de Sa Sainteté, au point qu’elle n’auroit plus d’autre parti à prendre que de se jeter entre les bras d’un prince qui se déclaroit son protecteur, lorsqu’il avoit le plus de sujet de se plaindre de la partialité qu’elle témoignoit pour ses ennemis.

Selon ces mêmes conseils, rien n’étoit plus facile que de s’emparer de l’État de Modène, de forcer le duc à restituer l’usurpation qu’il avoit faite de la Mirandole ; et comme le prince qu’il avoit privé de ce petit État étoit alors grand écuyer du roi d’Espagne, on supposoit que le duc de Modène, privé de son pays, irait à son tour à Vienne briguer la charge de grand écuyer de l’empereur. On intéressoit dans ces projets la reine d’Espagne, et pour la flatter, on vouloit aussi que le duc de Modène rendît au duc de Parme quelque usurpation faite sur le Parmesan. Les restitutions ne coûtoient rien à ceux qui les conseilloient ; ainsi rien ne les empêchoit de les étendre encore en faveur du duc de Guastalla, et de forcer l’empereur à lui rendre Mantoue comme le patrimoine de la maison Gonzague, usurpé et retenu très injustement par les Allemands. Le roi d’Espagne devenu le protecteur non seulement des princes d’Italie, mais le réparateur des pertes et des injustices qu’ils avoient souffertes, les engageroit aisément dans son alliance, et le même intérêt les uniroit pour fermer à jamais aux Allemands les portes de l’Italie. Pour achever sans inquiétude de telles entreprises proposées somme un moyen sûr d’établir solidement la paix