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cardinal s’applaudissoit de l’avoir heureusement ménagé, il fit valoir au roi de Sicile l’importance dont il étoit de pouvoir compter sur un tel secours, et de se trouver en état de donner au régent une occupation si sérieuse, qu’il penseroit plus d’une fois à s’engager à faire une guerre ouverte à l’Espagne pour une cause, ajoutoit Albéroni, si injuste et si peu honorable à Son Altesse Royale. Il espéroit, de plus, que les Hollandois, instruits des dispositions intérieures de la France, craindroient moins les menaces que cette couronne et celle d’Angleterre ne cessoient de leur faire pour les obliger d’approuver le traité d’alliance, et de s’engager à le soutenir. Enfin, il comptoit tellement sur les mouvements que ses négociations secrètes exciteroient dans le nord, qu’il n’étoit plus question, selon lui, que de seconder et d’aider de la part du roi d’Espagne les sages dispositions que ce ministre avoit faites. Il se proposoit pour en assurer le succès d’employer présentement à lever des Suisses l’argent qu’il attendoit des Indes. Il assura le roi de Sicile que la seule représaille faite depuis peu sur les François dans la mer du Sud, avoit produit plus d’un million d’écus. Ce secours, casuel n’étoit qu’un commencement, Albéroni comptoit que la monarchie d’Espagne lui fourniroit d’autres assistances pareilles, et que le bon usage qu’il en feroit lui donneroit les moyens de prouver aux alliés du roi son maître que ce prince vouloit agir de bonne foi, avec sincérité, honneur et probité ; ainsi, que chaque démarche de générosité que feroit le roi de Sicile, le roi d’Espagne y répondroit avec une générosité égale et réciproque, avec reconnoissance, et Sa Majesté Catholique, suivant les assurances de son ministre, feroit fidèlement tous ses efforts pour procurer les avantages, l’honneur et la gloire des deux rois également offensés, également intéressés à ne consentir jamais que les Allemands maintinssent leur autorité en Italie, au préjudice du repos et de la liberté de cette partie de l’Europe.