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même cour. Lascaris étoit le dernier qu’il avoit envoyé à Madrid, pour lier à l’insu de son ambassadeur, une négociation secrète qu’il n’avoit peut-être pas envie de conclure. On ne pénétra pas le détail des propositions faites par Lascaris, mais il est certain qu’elles ne convinrent pas aux desseins d’Albéroni. Comme il ne se rapportoit pas absolument au compte que Lascaris rendoit à son maître de cette négociation secrète, il écrivit lui-même au roi de Sicile que les offres faites par son ministre éclaircissoient un peu l’état des affaires présentes ; qu’elles donnoient lieu d’embarrasser le projet de l’alliance, et de faire voir à tout le monde l’injustice et la tromperie de ceux qui vouloient pour leur intérêt particulier s’ériger en maîtres de partager l’univers à leur fantaisie, et sans autre raison que celle de leur volonté se rendre arbitres du sort des princes, et les dépouilles des États qu’ils avoient reçus de leurs ancêtres.

Albéroni assura ce prince que le roi d’Espagne ne recevroit la loi de personne, qu’il se défendroit jusqu’à la dernière extrémité, ajoutant qu’une bonne union avec Sa Majesté Catholique obligeroit peut-être le roi Georges et le régent à changer de pensée, l’un et l’autre connoissant ce qu’ils auroient à craindre d’une telle liaison. Albéroni conclut de ce principe qu’il n’y avoit point de temps à perdre, et qu’il étoit nécessaire de prendre et d’exécuter au plus tôt les mesures proposées en conséquence. Il pressa le roi de Sicile de remettre incessamment quelques places de ce royaume, on n’a pas su lesquelles, entre les mains du roi d’Espagne ; car alors rien n’empêcheroit de passer sur-le-champ dans le royaume de Naples, dont la conquête seroit prompte et facile par le moyen des intelligences pratiquées dans ce royaume qui seroient appuyées d’une grosse armée abondamment pourvue de tout l’attirail et de toutes les provisions nécessaires pour assurer le succès de l’entreprise. La remise des places de Sicile entre les mains des Espagnols étant donc la base et le fondement