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il conseilloit de demander premièrement une suspension d’armes, parce que le roi d’Espagne ne pouvoit seul, et par ses propres forces, établir et conserver l’équilibre de l’Europe, malgré l’aveuglement universel de tous les autres princes. La demande d’une suspension engageroit vraisemblablement les alliés à demander aussi au roi d’Espagne de retirer ses troupes de la Sardaigne, et de la remettre entre les mains d’un tiers pour la garder en dépôt jusqu’à là conclusion du traité de paix. En ce cas, Cellamare conseilloit à son maître d’insister sur le dédommagement de l’inexécution des traités que l’empereur avoit faits peu d’années auparavant pour retirer ses troupes de Catalogne, sans avoir satisfoit aux principales conditions de ces traités. Il prévoyoit que les prétentions réciproques sur ces matières donneroient lieu à de longues contestations, et comme les Allemands pourroient cependant en venir aux insultes, que même ils seroient peut-être soutenus par les Anglois, l’avis de Cellamare étoit que le roi son maître, ne pouvant soutenir une guerre déclarée contre toute l’Europe, devoit s’armer assez puissamment pour tenir dans le respect ceux qui songeroient à l’attaquer pendant le cours de la négociation de paix. Comme l’Espagne avoit principalement besoin de forces maritimes, et qu’il falloit non seulement pour les mettre sur pied, mais encore pour les faire agir et pour les commander, des officiers expérimentés et capables, dont l’Espagne manquoit absolument, Cellamare crut donner une nouvelle agréable au roi d’Espagne en lui annonçant qu’un Anglois nommé Camok, autrefois chef d’escadre en Angleterre, étoit venu nouvellement lui réitérer les offres de services qu’il avoit déjà faites à Sa Majesté Catholique. Camok assuroit positivement que, si l’escadre Anglaise entroit dans la Méditerranée, il engageroit sept ou huit capitaines de cette escadre à passer, avec leurs navires et leurs officiers, au service d’Espagne, et ce qui est plus étonnant, de semblables promesses étoient appuyées par le témoignage du