Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/127

Cette page n’a pas encore été corrigée

comprendroit qu’il ne pouvoit en avoir de plus puissants que l’empereur et le roi d’Angleterre ; que ce seroit, par conséquent, une nouvelle raison pour lui de s’unir avec ces princes, trouvant chez lui si peu de satisfaction.

Le comte de Kœnigseck, ambassadeur de l’empereur, suivant le génie des ministres autrichiens, vouloit, quoique d’ailleurs honnête homme, trouver à redire et donner un tour de mauvaise foi à toute la conduite du régent. Le style de la cour de Vienne, et le moyen de lui plaire est depuis longtemps d’interpréter à mal toutes les démarches de la France, et la suprême habileté d’un ministre de l’empereur est de croire, d’écouter de fausses finesses et de secondes intentions dans les résolutions les plus simples. Ainsi Koenigseck prétendoit avoir découvert que le régent commençoit à changer de langage ; que Son Altesse Royale ne lui parloit plus avec la franchise et la vivacité qui faisoient juger quelque temps auparavant la prompte conclusion du traité. Il remarquoit, comme une preuve indubitable de ce changement et du désir de ralentir la négociation, les différentes propositions que ce prince avoit faites pour assurer les principales conditions de l’alliance. Comme un des articles les plus essentiels étoit celui de la succession des États de Parme et de Toscane, Son Altesse Royale avoit proposé que la garde des places fortes de ces deux États fût commise à des garnisons suisses. Rien n’étoit moins du goût des ministres de l’empereur. Koenigseck crut avoir pénétré par les discours de Stairs que, les garnisons suisses rejetées, on proposeroit de substituer en leur place des garnisons Anglaises et Hollandaises. L’empereur, qui n’en vouloit aucune, ne s’en seroit pas mieux accommodé ; mais son ambassadeur lui conseilla de l’accepter, persuadé que la France elle-même n’y consentiroit jamais. Les variations de la cour au sujet de l’alliance étoient, selon lui, le triomphe des anciens ministres toujours opposés à ce projet ; mais il prévoyoit que le régent seroit la victime de la victoire qu’ils