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comptoit avoir déjà faites dans le royaume de Naples. Il travailloit donc, et connoissant parfaitement la nécessité du secret, il aimoit mieux laisser le roi son maître quelque temps dans l’ignorance du progrès de ses manèges que s’en expliquer autrement que par des voies bien sûres, telles par exemple que les voyages que quelques officiers espagnols ou wallons avoient occasion de faire à Paris et à Madrid, et c’étoit ordinairement par les mêmes voies qu’il recevoit les réponses et les ordres de Sa Majesté Catholique. Il se défioit même des courriers, en sorte que, lorsqu’il étoit obligé d’écrire par cette voie, il ne s’expliquoit jamais clairement ; mais, enveloppant ses relations de voiles, il disoit, par exemple, qu’il préparoit les matériaux nécessaires et qu’il s’en serviroit en cas de besoin, que les ouvriers contribuoient cordialement à les lui fournir. Quelquefois il laissoit entendre qu’il se défioit de quelques-uns de ceux qui entroient dans ces intrigues. Enfin il cachoit le mieux qu’il lui étoit possible, sous différentes expressions figurées ce qu’il vouloit et ce qu’il n’osoit exposer clairement aux yeux de son maître. Deux circonstances flattoient alors l’ambassadeur d’Espagne, et lui faisoient espérer un succès infaillible des intrigues qu’il avoit formées. L’une étoit la division qui éclatoit ouvertement entre le régent et le parlement de Paris. Cellamare, persuadé du poids que l’exemple et l’autorité de cette compagnie devoit avoir dans les affaires publiques, traitoit de héros les officiers qui la composoient. Il assuroit que leur constance surpassoit toute croyance ; que ceux d’entre eux qui souffroient quelque mortification s’en réjouissoient comme s’ils étoient couronnés parla gloire du martyre ; que jusqu’alors ils n’étoient soutenus que par la bienveillance et par les applaudissements du public, mais que bientôt l’intérêt commun et le bien de l’État uniroit les autres parlements du royaume à celui de Paris, et que cette union mutuelle causeroit immanquablement des nouveautés imprévues.

L’autre circonstance dont l’ambassadeur d’Espagne espéroit