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expressions étoit exact et fidèle. Il avoit d’ailleurs à Londres des surveillants très attentifs à sa conduite, observant jusqu’à la moindre de ses démarches. L’un étoit l’agent de Sicile, l’autre celui du duc de Parme. Tous deux l’interrogeoient sur chaque pas qu’il faisoit et sur les ordres qu’il recevoit. Il se croyoit obligé de ménager le ministre de Parme, dans la vue de se conserver la protection du duc de Parme auprès de la reine ; mais quelque inclination qu’il eût pour le roi de Sicile, il étoit un peu plus réservé à l’égard de son ministre. Toutefois Monteléon, affectant à son égard une apparence de confiance, l’informoit des choses qu’il ne pouvoit lui cacher. Il y ajoutoit souvent que, pourvu que le roi de Sicile tînt ferme avec l’Espagne, on pourroit enfin dissiper le nuage ; mais cette apparente cordialité n’alla pas jusqu’au point de lui communiquer la réponse par écrit des ministres d’Angleterre. Monteléon se fit un mérite auprès d’Albéroni de sa discrétion. Il assura le premier ministre qu’il avoit voulu le laisser maître de communiquer cette réponse à l’ambassadeur de Sicile à Madrid, ou de lui en dérober la connoissance suivant qu’il le jugeroit plus à propos ; et pour se justifier du reproche de trop de confiance en l’abbé Dubois, il assura qu’il évitoit de le voir, chose aisée, parce qu’alors l’abbé Dubois demeuroit renfermé dans sa maison à Londres, et ne se montroit ni à la cour ni ailleurs.




CHAPITRE VI.


Départ de l’escadre anglaise pour la Méditerranée. — Fourberie de Stanhope à Monteléon. — Propos d’Albéroni. — Maladie et guérison du roi d’Espagne. — Vanteries d’Albéroni. — Secret du dessein de son expédition. — Défiance du roi de Sicile de ceux même