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réitérées qu’ils faisoient, lorsqu’ils croyoient que quelque difficulté survenue à la négociation pouvoit en interrompre le cours, rien de leur part ne produisoit l’effet qu’ils désiroient ; et Cellamare avouoit qu’il regardoit comme absolument inutiles les sollicitations les plus fortes qu’il faisoit, parce que le régent étoit tellement aheurté à mettre l’Espagne en, paix, malgré qu’elle en eût, que ni promesses, ni menaces de la part du roi d’Espagne ne pouvoient détourner Son Altesse Royale du projet qu’elle avoit formé.

Les instances de l’ambassadeur d’Espagne en Angleterre ne furent pas plus heureuses. Monteléon, pressé par les ordres réitérés qu’il recevoit de la cour de Madrid, fut enfin obligé, malgré lui, d’en venir aux menaces. Il déclara donc au comte de Stanhope que, si l’escadre Anglaise destinée pour la Méditerranée faisoit la moindre, hostilité, ou si elle causoit le moindre dommage à l’Espagne, toute la nation Anglaise généralement s’en ressentiroit, et que le prochain parlement de la Grande-Bretagne vengeroit Sa Majesté Catholique. Stanhope, facile à prendre feu, n’écouta pas tranquillement les menaces de l’Espagne ; il suivit son penchant naturel, et renchérit, par un emportement qui ne lui coûtoit rien, sur les discours que Monteléon lui avoit tenus. Tous deux se calmèrent, l’un plus facilement que l’autre ; et Stanhope, revenu avec peine, tâcha de faire voir que le roi son maître, plein de bonnes intentions pour le roi d’Espagne, agissoit pour le véritable bien de Sa Majesté Catholique en faisant passer une escadre dans la Méditerranée. Pour soutenir un tel paradoxe, il établit, comme un principe incontestable, que le projet du traité étoit ce qu’on pouvoit imaginer de mieux pour le roi d’Espagne ; qu’il étoit indubitable par cette raison que l’empereur s’opposeroit à sa conclusion, et que cette opinion n’étoit que trop bien fondée, puisque ce prince hésitoit encore à souscrire à l’alliance. Comme elle étoit tout à l’avantage de l’Espagne, suivant les principes de Stanhope, le roi d’Angleterre avoit