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alliance, et vraisemblablement dans une guerre contre Sa Majesté Catholique, instances plus vives et plus pressantes que ne l’étoient celles que l’Angleterre même faisoit à cette république. À ces représentations l’ambassadeur d’Espagne avoit ajouté quelque espèce de menaces ; mais il ne comptoit nullement sur l’effet que ses plaintes, ses protestations et ses clameurs pourroient produire. L’engagement étoit pris, et Cellamare comprenoit que, quoi qu’il pût dire pour décrier la quadruple alliance, ses discours n’obligeroient pas le régent à faire le moindre pas en arrière ; qu’en vain les ministres d’Espagne répandroient de tous côtés qu’un tel traité scandalisoit toute l’Europe, Son Altesse Royale suivroit toujours son objet ; qu’elle travailloit constamment à l’affermissement d’une paix qui assuroit ses intérêts particuliers, et qu’elle ne s’embarrasseroit que des moyens de faire réussir ses vues. Il y avoit peu detemps qu’on avoit reçu avis en France que Martinet, François, officier de marine, actuellement au service d’Espagne avoit pris dans la mer du Sud six vaisseaux françois qui faisoient le commerce de la contrebande. Il paraissoit impossible d’obtenir la restitution de ces vaisseaux. Cellamare avertit le roi d’Espagne que les particuliers intéressés en cette perte, jugeant bien que toute négociation sur un point si délicat pour l’Espagne seroit absolument inutile, prenoient le parti d’armer en Hollande et en Angleterre quatre frégates, qu’ils enverroient sous le pavillon de l’empereur au-devant des vaisseaux espagnols chargés des effets pris, et qu’après avoir enlevé leurs charges, ces frégates les rapporteroient dans les ports de France. Si l’ambassadeur d’Espagne servoit fidèlement son maître en lui donnant de pareils avis, il s’en falloit beaucoup qu’il ne rendit des services aussi utiles à ce prince, lorsque, croyant lui faire sa cour, il l’assuroit que les François, presque généralement, détestoient la conduite du régent ; qu’ils ne pouvoient souffrir qu’il n’eût pas pris le parti sage, et seul convenable, de s’unir à l’Espagne, et d’