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mérite auprès d’Albéroni, faisoit des pronostics sur les troubles qu’on verroit bientôt en Écosse, si le Prétendant, s’embarquant en Norvège, passoit dans ce royaume avec les secours du roi de Suède et du czar, comme on supposoit que les torys et les wighs mécontents, et les jacobites le désiroient et le croyoient. Beretti avoit ordre d’Albéroni de fomenter l’exécution de ce projet, et de parler pour cet effet, soit à ceux qui seroient dans la confidence du roi de Suède, soit aux ministres du czar à la Haye. Il s’adressa donc aux uns et aux autres. Le roi de Suède avoit en Hollande un secrétaire nommé Preiss, mais ce prince se confioit principalement à un officier polonois attaché au roi Stanislas nommé Poniatowski. Beretti, suivant ses ordres, lui demanda si le roi de Suède consentiroit à recevoir quelques sommes d’argent du roi d’Espagne, et s’il donneroit en échange des armes et des provisions nécessaires pour la marine d’Espagne. La proposition ne parut pas nouvelle au Polonois. Il dit qu’elle lui avoit déjà été faite en secret à Paris par Monti ; que tout ce qu’il à voit pu lui répondre étoit que, se trouvant pressé de se rendre, auprès du roi de Suède, il falloit laisser l’affaire à traiter entre Beretti et Preiss. Il ajouta comme une chose très secrète, et qu’il prétendoit bien savoir, que l’amitié qui paraissoit si vive entre le roi d’Angleterre et le régent n’étoit que masquée ; que, si la paix qu’il croyoit alors prête à se faire entre le roi de Suède et le czar venoit à se conclure, la France changeroit de conduite, et qu’elle se comporteroit à l’égard de l’Angleterre d’autant plus différemment, que le roi d’Angleterre s’éloignoit chaque jour de plus en plus de traiter avec le roi de Suède. Beretti, content des bonnes dispositions que Poniatowski lui laissoit entrevoir, le fut encore davantage de celles de l’ambassadeur de Moscovie. Ce ministre lui dit que le temps approchoit où le roi d’Espagne pouvoit tirer un grand avantage de l’intelligence étroite qu’il établiroit avec le czar et le roi de Suède, qui de leur côté profiteroient de ces liaisons