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père, il demandoit au régent de traverser les manèges que les ministres anglois et hanovriens faisoient pour une paix particulière, négociations dont le succès seroit d’autant plus désagréable et plus embarrassant pour la France, que tout le poids de la garantie de Sicile retomberoit alors sur elle.

Le régent avoit prévu les représentations et les instances du roi de Prusse, et avoit déjà agi auprès du czar pour l’engager d’entretenir une étroite union avec ce prince comme le moyen d’établir pareillement cette union entre la France et la Russie, les États du roi de Prusse étant nécessaires pour cette communication. Kniphausen, envoyé de Prusse à Paris, se réjouissoit de voir que ceux qui étoient à la tête des affaires pensoient que les alliances les plus naturelles et les plus solides pour la France étoient celles qu’elle formeroit avec le roi de Suède et celui de Prusse. Il se flattoit même que, s’il étoit possible de conduire les affaires du nord à une bonne fin, les liaisons que la France prenoit avec l’Angleterre ne subsisteroient pas longtemps, parce que l’esprit ni le goût de la nation n’étoit porté à se lier ni avec l’Angleterre ni avec l’empereur. On croyoit d’ailleurs que le régent lui-même étoit ébranlé sur les affaires d’Espagne, et qu’il pourroit changer de plan si on pouvoit gagner du temps. Kniphausen assura son maître qu’il n’y avoit rien de visionnaire dans les avis qu’il lui donnoit sur ce sujet, qu’ils étoient conformes aux discours que tenoient les principaux et les plus accrédités seigneurs de la cour de France ; que même le maréchal d’Huxelles l’avoit assuré que le roi n’oublieroit rien pour procurer au roi de Prusse les moyens de finir la guerre du nord à l’avantage et à la satisfaction de ce prince ; cette base étant nécessaire pour établir ensuite une amitié solide et permanente, qu’elle seroit cultivée à l’avenir par l’attention que la France donneroit aux intérêts du roi de Prusse, qu’elle vouloit désormais regarder comme les siens propres ; qu’elle feroit telle alliance qu’elle souhaiteroit,