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sa part que j’en fus singulièrement content, à propos des hoquets qu’il fallut essuyer du père de Sandricourt. Je suppliai le régent, avec instance, de remettre Yolet dans le service, en lui rendant son ancienneté, et de le faire maréchal de camp. Je l’obtins avec une joie extrême. Yolet étoit venu faire un tour à Paris pour ses affaires, bien éloigné de plus penser à rien sur le service, depuis qu’il avoit quitté. Je le sus à Paris, parce qu’il passa chez moi sans me trouver, depuis son affaire faite, comme j’allois lui écrire. Je le fis chercher, je lui dis qu’il étoit maréchal de camp, je le présentai à M. le duc d’Orléans. Je ne vis jamais homme si surpris ni si aise. On cria fort de cet avancement, parce qu’il faut toujours crier de tout ; mais tant d’autres qui avoient quitté sont rentrés avec conservation de leur ancienneté, Fervaques par exemple, et le beau cordon bleu dont cette grâce a été depuis le prétexte, que je ne troublai pas ma joie de l’envie des jaloux. Le pauvre Yolet n’en eut que le plaisir, j’avois parole qu’il serviroit quand il y auroit guerre ; je le lui avois dit, il en pétilloit, et sûrement il s’y seroit fort avancé. Il mourut avant d’avoir vu la première campagne.

Le comte d’Évreux, qui n’avoit de commun avec son grand-oncle, M. de Turenne, que d’être l’homme du monde le moins simple en affectant de le paroître le plus, et qui, avec un esprit au-dessous du médiocre, avoit le plus d’art, de manèges sous terre et d’application vers ses buts, comme M. de Turenne aussi, le plus attentif au rang qu’ils avoient conquis, et le plus touché d’usurper de plus en plus, étoit ravi de voir l’étrange fermentation contre les dignités du royaume et les officiers de la couronne, de ce qui s’appeloit si faussement la noblesse par le dépit de n’être pas ce qu’ils pouvoient devenir comme ceux qui y étoient parvenus, tandis que cet aveuglement ne leur permettoit pas de s’indisposer contre des nouveautés infiniment offensantes, puisque le rang de prince étranger ne porte que sur la différence de la