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convenu entre elles deux que Mme la duchesse de Berry irait deux jours après aux Carmélites du faubourg Saint-Germain où elle avoit un appartement ; que Mme de Saint-Simon avertiroit M. et Mme de Beauvau et M. et Mme de Clermont, et qu’elle-même les mèneroit aux Carmélites, où elle seroit témoin de la réception.

Cela fut exécuté le 4 juin, six semaines après l’affaire de l’Opéra, arrivé le 25 avril. Ils entrèrent tous dans le monastère, et allèrent droit à l’appartement de Mme la duchesse de Berry qui les y attendoit. Chacun de son côté se posséda assez pour que l’accueil fût également obligeant et bien reçu. Les deux hommes demeurèrent peu dans le couvent, parce qu’il est très rare que les hommes y entrent. Mme de Beauvau y fut retenue, et Mme la duchesse de Berry lui fit des merveilles. Mme de Clermont se trouva lors près de Fontainebleau, chez M. le comte de Toulouse, à la Rivière, et n’en put revenir à temps. Dès qu’elle fut revenue, elle alla chez Mme la duchesse de Berry, où tout se passa très bien de part et d’autre ; et depuis elles ont toutes deux été, et leurs maris, chez Mme la duchesse de Berry de temps en temps.

Une forte plate chose fit alors un furieux bruit. J’ai parlé quelquefois ici des Saint-Pierre, dont l’un étoit premier écuyer de Mme la duchesse d’Orléans ; l’autre, son frère, premier aumônier de Madame. Celui-ci avoit de l’esprit, des lettres et des chimères. Il étoit de l’Académie française depuis fort longtemps et fort rempli de lui-même, bon homme et honnête homme pourtant, grand faiseur de livres, de projets et de réformations dans la politique et dans le gouvernement en faveur du bien public. Il se crut en liberté par le changement du gouvernement et de donner l’essor à son imagination en faveur du bien public. Il fit donc un livre qu’il intitula la Polysynodie [1] ', dans lequel il peignit au naturel le pouvoir despotique et souvent tyrannique que les

  1. Ce mot, qui signifie pluralité des conseils, fut inventé par l’abbé de Saint-Pierre. L’ouvrage qui porte ce titre parut en 1718. Voy. à la fin du t. XII, une note sur les conseils tirée des Mémoires du marquis d’Argenson.